N° 781 | Le 19 janvier 2006 | Katia Rouff | Critiques de livres (accès libre)
Découpé en dix-huit escales : amour, bistrot, colo…, l’ouvrage Douce banlieue nous emmène en balade dans l’histoire des quartiers populaires : usines, jardins ouvriers, habits du dimanche, terrains vagues, histoires d’exil de Bretons, Espagnols, Italiens… Frédérique Jacquet, directrice des archives de Saint-Denis, a réalisé un remarquable travail de collecte de photographies de familles et de témoignages oraux auquel ont participé plus de quatre cents habitants de la banlieue Nord de Paris âgés de 14 à 92 ans.
Dans le chapitre consacré aux femmes, l’une d’elles évoque « Un jour, un petit chef, y’en a un qui m’a dit “c’est moi qui commande” et je lui ai répondu “c’est moi qui travaille”. Je savais me défendre, j’imposais mes conditions ». Dans celui consacré aux grandes espérances, un homme se souvient : « Les petits copains ne jouaient pas avec moi car j’étais le fils du communiste. Ma mère a pleuré quand Staline est mort, elle a dit « qu’est-ce qu’on va devenir ? ». Alors maintenant, cela peut faire sourire mais pas à l’époque ».
On y voit aussi la photo d’un match de boxe dans une usine occupée en 1936, celle du 11ème jour de grève des ouvriers des ateliers et chantiers de la Loire avec un mannequin représentant le patron sur une potence, ou encore un militant, bien emmitouflé apportant l’Humanité dimanche à domicile par un matin d’hiver. Un autre témoin égrène ses souvenirs d’enfance au chapitre Bistrot « A côté de chez Jeumont, il y avait trois cafés-restaurants. Il y avait les habitués. On voyait les gens arriver de loin et on les servait avant même qu’ils n’entrent. Il y avait de la considération. Jamais mon père n’a payé mon verre de grenadine quand il m’emmenait ».
Loin des clichés ou d’une complaisante nostalgie, Douce Banlieue est un beau travail de mémoire.
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