N° 1258 | Le 30 septembre 2019 | Critiques de livres (accès libre)
La protection de l’enfance au quotidien
Choquée par des faits divers sordides impliquant des enfants, l’opinion publique est prompte à s’exclamer « Mais que font les services sociaux ? ». Mais oui, au fait, que font-ils ? C’est justement ce que nous décrivent les auteurs, respectivement éducatrice spécialisée et assistant social exerçant des mesures d’Action éducative en milieu ouvert. Leur témoignage est d’autant plus précieux que ce travail est méconnu et surtout peu médiatisé. Violences physiques, agressions sexuelles, actes de cruauté, négligences lourdes, maltraitance psychologique subies par les enfants ; addictions, précarités, maladies, acculturation, épuisement des parents… les circonstances de l’action de la protection de l’enfance répond à des situations de véritables mises en danger.
Cette confrontation à une réalité souvent douloureuse, voire sordide est suffisamment éprouvante pour que les travailleurs sociaux du service employeur des deux auteurs fonctionnent en binôme. Douter de la justesse de ses évaluations, doubler les points de vue, éviter un face-à-face par trop déstabilisant… ces postures que facilite l’intervention à deux permet de garder la seule posture légitime : l’humilité. L’action éducative demande du temps d’écoute, d’observation, de décryptage des (dys)fonctionnements familiaux. Même si, comme le prétend la télé, quelques phrases bien senties ne suffisent pas à régler les problèmes, l’échange verbal, le dialogue et la parole restent néanmoins les principaux outils utilisés par les professionnels. Les nombreuses situations décrites ici provoquent l’indignation ou émeuvent, au gré de ces rencontres improbables, dramatiques ou cocasses, étonnantes ou routinières, traumatisantes ou gratifiantes.
Mais tout ce travail déployé avec patience et bienveillance est aujourd’hui miné par l’envahissement de logiques managériales déshumanisantes (le quantitatif des normes qualité et des procédures l’emportant sur le qualitatif de la relation), le manque criant de moyens (exigence de résultats visibles, alors que certaines mesures ordonnées restent en attente des mois) et la perte de sens (mise en concurrence des différents services dans une logique mercantile). La résistance s’organise : des collectifs se mobilisent et mènent des actions de sensibilisation pour mieux faire connaître la nature de ce travail et tout ce qui le menace. Que ce livre puisse participer activement à cette visibilisation, c’est ce que l’on peut lui souhaiter de mieux.
Jacques Trémintin
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