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EXPOSITION • Des photos hors-norme

En 2022, le photographe Jean-Louis Courtinat s’est immergé huit semaines à Chrysalis, un foyer de vie situé près de Bruxelles (Belgique) dans lequel vivent onze personnes souffrant de handicap mental et de troubles du comportement.


Chantal
À Chrysalis, l’ambiance est familiale. Jean-Louis Courtinat a travaillé en immersion totale, déambulant du matin au soir avec les résidents, partageant leur vie quotidienne, dormant dans une chambre proche des leurs. La communication ne fut pas aisée – la quasi-totalité des personnes accueillies n’ayant pas l’usage de la parole. « J’ai dû me contenter de regards furtifs, de petits gestes de tendresse bien rassurants, mais aussi de moment de colère et d’agressivité », relate le photographe. Vivre dans ce lieu, avoir une disponibilité et une attention permanentes lui a permis de saisir les humeurs des habitants : promenade le long du Canal de Nivelle, parcours santé en extérieur, état de bonheur après une activité chevaline, menus travaux dans le jardin potager, résidents dans leur chambre, repas collectif dans la salle à manger, grand salon, pause dans le grand escalier, le coin squat tagué.
Vincent
On sera touché par les portraits de Chantal (61 ans, en manque permanent d’affection) ; Sandra (insomniaque, reniée par sa mère), incapable d’intégrer le groupe ; Stéphanie (45 ans, souffrant de psychose dont les doigts sont recouverts de chaussettes pour prévenir un risque d’automutilation, ayant vécu six ans dans la chambre d’une clinique psychiatrique, perpétuellement en souffrance). Il y a aussi Jordan (25 ans, qui peine à communiquer avec les autres) ; Patrick (facilement agacé et irrité) ; Willy (terriblement anxieux dodelinant de la tête) ; Vincent (22 ans, autiste, anxieux quand il attend ou quitte ses parents) ; Lily (réfugiée vietnamienne de 58 ans, pyromane, qui marmonne des mots dans sa langue maternelle qu’elle ne semble pas comprendre) ; Joël (69 ans, le plus âgé des résidents qui ne maitrise que quelques phrases qu’il répète en permanence et qui rayonne après la séance d’équithérapie) ; Jordan (le plus jeune du groupe qui canalise difficilement son énergie débordante) ; Mario (autiste, dont les moments de violence ont cessé à son entrée dans le centre) et enfin Patrick (souffrant de schizophrène qui se réfugie dans sa chambre quand il se sent mal).
Joël
Vivre ensemble et esprit de groupe

À Chrysalis, les résidents sont chez eux. « Leurs différentes pathologies favorisent le vivre-ensemble et renforcent l’esprit de groupe. La relation entre les éducateurs et les résidents est primordiale , souligne Edith Allaert Bertin, la créatrice du lieu. Eux-seuls sont capable d’évaluer la situation et par la discussion, de les calmer et de leur donner un peu de sérénité. » L’expo nous présente plusieurs de ces professionnels : Isabelle et Amélie tentant de coiffer Sandra ; Pauline jouant aux cartes avec Monique ; David éducateur qui s’occupe du jardin potager et propose des petits travaux de participation. Le choix de la psychothérapie institutionnelle aide les malades à s’accepter et à évoluer dans la durée, bien que cette pratique soit stigmatisée par les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) en matière d’autisme, considérée comme une « pratique non consensuelle, donc non recommandable à l’instar de la psychanalyse ».
Le noir et blanc choisi pour les photos souligne l’aspect expressif de toutes ces personnes et leur donne une présence faite de mystère avec les reflets d’ombres portés par la lumière naturelle ou l’éclairage des photos.

Agnès Montagne



Jusqu’au 8 juillet. Galerie Fait et cause – 58, rue Quincampoix 75004 Paris - Tel : 01 42 74 26 36. Jean-Louis Courtinat est présent à la Galerie les vendredi et samedi pour rencontrer son public jusqu’au 8 juillet - https://www.jeanlouiscourtinat.fr
Lily