N° 975 | Le 3 juin 2010 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Faire triompher la justice implique un engagement radical qui sache si nécessaire aller à contre-courant. Désobéir à la loi de la majorité, ce n’est pas lutter contre l’État de droit, mais contre des abus, en vue de renforcer cet État de droit. Car, « ce n’est pas la loi qui doit dicter ce qui est juste, mais ce qui est juste qui doit dicter la loi » (Jean-Marie Muller).
Fort de ces convictions, Alain Refalo envoie, le 6 novembre 2008, une lettre à son inspecteur d’académie pour l’informer de son entrée en résistance face à des décisions qu’il estime relever d’une entreprise de démantèlement pensée et organisée du service d’éducation. Dans son sillage, quelque 3 000 enseignants s’inscriront dans la même démarche d’objection de conscience. Une centaine d’entre eux sera sanctionnée, se voyant ponctionner une partie de leur traitement et subissant le gel de leur évolution de carrière. Ce qui fait peur au gouvernement, c’est un mouvement de désobéissance civile qui s’assume publiquement, prêt à affronter la répression, sans faillir.
L’ouvrage d’Alain Refalo est passionnant. Il est écrit avec sérénité, assurance et maîtrise, reprenant la chronologie de la lutte engagée, argumentant avec une belle pertinence et une tout aussi grande précision sur l’entreprise de démantèlement en cours. C’est d’abord le projet de ces établissements publics d’enseignement primaire destinés à regrouper plusieurs écoles primaires sous l’autorité hiérarchique d’un directeur, passant progressivement sous la responsabilité des communes. C’est ensuite la création des jardins d’éveil ouverts aux enfants jusqu’à trois ans, financés par les parents, chargés de remplacer à terme l’école maternelle. C’est encore la suppression de l’année de formation en alternance, comportant 500 à 600 heures de stage sur le terrain, à l’intention des futurs enseignants qui se retrouveront dorénavant en prise directe avec leurs élèves, à la sortie de leur master.
Mais, ce sont aussi ces nouveaux programmes axés sur les acquisitions fondamentales qui privilégient la transmission du savoir, au détriment du raisonnement. Ce sont ces évaluations régulières incitant les enseignants à préparer leurs élèves à répondre à une batterie de tests, favorisant chez eux la seule mémorisation et les automatismes. Ces différents morceaux d’un puzzle ne laissent aucun doute : l’école que l’on nous prépare pour demain renoncera au désir d’apprendre, à la prise de responsabilité, à l’autonomie, au respect de l’autre et au vivre ensemble. Elle sera tournée vers la compétition et la performance plaçant au centre des apprentissages l’évaluation des acquis. C’est sans compter sur une poignée d’instits bien décidés à ne pas se laisser faire. Un exemple à suivre.
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