N° 1138 | Le 3 avril 2014 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Confrontée, comme ex-enseignante et dans son quartier, à ces adolescents(e)s qui l’intriguent et la terrifient, l’auteure s’est lancée, pour écrire son livre, dans toute une série d’entretiens auprès de la brigade des mineurs de Paris, mais aussi auprès d’autres acteurs en contact avec les jeunes générations. Mais ce n’est pas tant pour s’intéresser à l’enfance qu’elle soit en danger ou dangereuse, que pour répondre à l’inquiétude qui la taraude sur un sujet qui reste pour elle une énigme indéchiffrable : le diagnostic de l’état de la jeunesse de notre pays et plus particulièrement de son entrée dans une sexualité de plus en plus précoce. Ce sont ces jeux « action ou vérité » entre enfants de onze ans qui tournent mal, se terminant par une fellation ou une sodomie subies.
Ce sont ces relations sexuelles de plus en plus trash, à la fois acceptées et imposées qui tournent mal avec des adolescentes à la fois consentantes et instrumentalisées. C’est cette prostitution pour quelques euros. Les spécialistes consultés par l’auteure ont beau la rassurer sur la dimension cyclique et récurrente des problèmes de l’adolescence, l’auteure n’en croit rien. L’accès libre à Internet, la mise à disposition des smartphones, la fréquentation sans limites des réseaux sociaux ont profondément bousculé les habitudes : « C’est peut-être ce que je traque, en menant cette enquête, ce gouffre qui nous sépare. Je cherche des passerelles, des résonances avec un temps disparu. Je m’inquiète pour mes cadets. » (p.129)
Et c’est cette anxiété qui traverse tout l’ouvrage, d’une manière toutefois posée et réfléchie. Loin des analyses psychologiques et sociologiques, qui ont toute leur importance pour décoder et comprendre, voilà le témoignage d’une citoyenne qui se sent dépassée par une jeunesse qui a rompu avec ses propres repères. Son questionnement est aussi à prendre en compte.
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