N° 708 | Le 6 mai 2004 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Il ne faut pas confondre un enfant impulsif ou hyperactif avec ces petits tyrans domestiques qui ont inversé la hiérarchie familiale, imposant une relation autoritaire et maltraitante à leurs parents, en utilisant tous les moyens de pression psychologiques, voire même physiques, pour les faire céder aux moindre de leurs désirs. Il y a plusieurs trajectoires comportementales qui permettent d’expliquer l’émergence de telles situations. Le premier facteur qu’on évoque spontanément est celui des parents. Et il est vrai que nombre d’entre eux adoptent un comportement éducatif de surinvestissement anxieux, épargnant à leur enfant des expériences certes difficiles, mais potentiellement maturantes, intervenant à la moindre alerte et évitant toutes circonstances frustrantes. Avec comme résultat une incapacité grandissante pour l’enfant à s’habituer aux sensations de tensions internes et à s’adapter aux conjonctures chargées d’émotion.
D’autres dépassent l’investissement narcissique nécessaire à la construction de leur enfant et le charge d’une difficile mission : être le vecteur principal de leur propre épanouissement, le transformant en béquille affective et l’idéalisant au point d’en devenir les esclaves consentants. Avec comme conséquence, la décrédibilisation de leur autorité. Mais la tyrannie familiale ne procède pas d’une causalité simple. Il faut se méfier de toute interprétation hâtive, bien trop simpliste au vu de la complexité des mécanismes en jeu. Évoquer comme seule raison les dysfonctionnements familiaux ne permettrait pas de comprendre pourquoi les mêmes comportements ne se manifestent quasiment jamais dans le reste de la fratrie.
D’autres facteurs entrent en ligne de compte. L’enfant lui-même n’est pas une page blanche : son tempérament peut venir tempérer ou au contraire aggraver la tentation de la toute puissance. La société, elle aussi, joue un rôle néfaste, quand, au prétexte de lutter contre l’autoritarisme, elle invalide toute hiérarchie ou souveraineté des adultes sur les enfants. La tyrannie du pater familias ne doit pas être supplantée par la tyrannie de l’enfant roi. Quant à la psychologisation excessive du comportement de l’enfant, elle incite à tout expliciter et tout excuser et n’est pas non plus étrangère à cette dérive. Certes, si l’éducation a bien pour objectif de permettre la réalisation individuelle en harmonie avec son environnement, les voies pour y accéder ne sont pas universelles, mais restent toujours fonction du contexte.
On peut néanmoins évoquer que ce dont les enfants tyrans ont besoin, c’est d’une interaction ferme et rassurante leur permettant d’apprendre à maîtriser en douceur leur réactivité exacerbée. Cette interaction peut les encourager à éviter les régulations extrêmes que sont l’hyper excitation ou l’inhibition, articulant la satisfaction raisonnable de leurs besoins et une frustration modérée et surmontable et sachant adapter les stimulations d’un milieu stable à leur degré de réactivité.
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