N° 708 | Le 6 mai 2004 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
De l’autorité, on en a beaucoup parlé d’un point de vue longitudinal (ce qu’elle était hier, ce qu’elle n’est plus aujourd’hui). On a décrit ce qu’on met en œuvre quand elle vient à manquer : séduire pour prévenir ou menacer pour contenir, alors même qu’elle doit pouvoir convaincre sans persuader et s’imposer sans contraindre. Les auteurs ont choisi d’aborder ce sujet d’un point de vue transversal, en essayant d’explorer ce concept à partir des différentes façons dont il se décline sur le terrain.
Ils nous proposent dans un premier temps tout un travail de réflexion théorique : « l’autorité, comme la violence d’ailleurs, est à prendre avec des pincettes et à décortiquer comme s’il s’agissait d’un oignon » (p.24). Sa première peau est toujours double. Elle se pose d’abord à partir de la reconnaissance de la place de celui qui s’en prévaut : elle est alors instituée et porte autant la personne que celle-ci ne la porte. Mais elle est aussi reliée à la cohérence de ce qui est dit : elle est forte d’une expertise et d’une compétence qui donnent de la crédibilité à son détenteur.
C’est pour cette double raison que si l’autorité est bien un état de fait, l’autorisation — la démarche qui permet l’accession à cette situation — relève bien d’un processus : la mise en œuvre de l’action par laquelle on reconnaît qu’une personne a la faculté et le droit d’agir d’une manière légitime. Il y a bien des manières d’accéder à cette autorisation, comme le démontrent les multiples figures d’autorité que l’on peut identifier : les figures fondatrices qui s’imposent pour avoir été à l’origine (et qui représentent depuis la continuité), les figures fonctionnelles (placées là de par leur position hiérarchique et institutionnelle), les figures d’usage (qui ont trouvé leur place, par habitude), les figures de compétence et de savoir-faire (respectées à cause de leur qualification). Ce à quoi, il faut rajouter les figures d’opportunité, tournantes et aléatoires (qui apparaissent au gré des circonstances mais qui ne sont non-formalisées).
Les auteurs ne se contentent pas de développer une approche théorique. Ils ont aussi fait le choix de confronter le fruit de leur élaboration à six sites fréquentés par des jeunes : une école expérimentale, un conseil municipal d’enfants, une classe-relais, un café-musique, une maison de jeunes et une mission locale rurale. Ces lieux ne sont pas présentés à partir d’une quelconque représentativité de l’ensemble des espaces accueillant les jeunes, mais comme posant de façon plausible et indicative la façon dont peuvent se poser des questions d’autorité et de socialisation. Ils développent la façon dont les différentes expressions de l’autorité s’y déploient. Ils témoignent ainsi que « l’autorité, désormais, se montre autant qu’elle se discute » (p.214). Plus que jamais elle se confronte à la réalité de terrain, se justifie, se construit et s’expérimente.
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