N° 703 | Le 1er avril 2004 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Face à la vague sécuritaire qui monte, il ne faut pas bouder notre plaisir quand un livre vient s’inscrire à contre-courant.
Celui de Jean-Marie Petitclerc fait partie de ceux-là. À chaque fois que la société se fait déborder par des fractions de sa jeunesse, explique-t-il d’emblée, on voit fleurir des propositions d’enfermement des adolescents les plus turbulents. C’est là une solution d’apparence facile et séduisante qui trouve un large écho. L’expérience nous a montré que cela ne provoquait que de cuisants échecs. Il y a toujours eu des éducateurs pour résister à cette dérive et à croire en cette jeunesse. L’urgence n’est pas d’enfermer des mineurs, mais de remobiliser les adultes sur leurs responsabilités éducatives : la violence des jeunes pose directement la question des raisons qui font qu’il est plus difficile qu’auparavant de leur apprendre à gérer leur agressivité.
On évoque souvent des enfants sans limites et sans respect : mais qui ne leur a pas donné de limites et ne leur a pas appris le respect ? Il y a moins une crise de l’autorité qu’une crise de crédibilité de ceux qui en sont porteurs. À cela bien des raisons. On peut évoquer la disqualification de pères réduits au chômage, ne représentant plus un modèle d’intégration. On peut aussi parler de l’échec scolaire, source de dévalorisation et générateur de violence. On peut encore aborder cette absence de projection dans l’avenir : toute société qui prive sa jeunesse de toute perspective fabrique de la délinquance. C’est tout l’apprentissage du vivre ensemble qui est en panne tant dans la famille, à l’école que dans les quartiers.
Alors : que faire ? La délinquance ne doit pas être interprétée à partir d’une seule grille de lecture. Elle a pour origine des causes multiples. Elle peut être soit l’expression d’un profond mal-être, soit un mode d’affirmation de soi, soit une stratégie d’action. Et c’est justement parce que sa réalité est complexe qu’il faut sortir de la dualité traditionnelle et simpliste opposant prévention et répression. Se contenter d’expliquer les comportements déviants par des raisons extérieures au jeune, c’est le déresponsabiliser. Mais, si on ne fait que contenir, enfermer et réprimer, la tension va inexorablement monter. Être ferme ne signifie pas être rigide. Mais résister à l’envie de rétablir la règle et la limite, c’est indirectement encourager la pénalisation de la société. S’interdire d’agir violemment ne veut pas dire s’interdire de réagir. Et réagir, c’est sanctionner, en rappelant les limites et en obligeant à réparer.
Une politique de lutte contre la délinquance doit savoir articuler prévention, médiation et sanction. Éduquer rappelle l’auteur, c’est créer un climat de confiance et tisser une relation humaine forte : « Chaque fois que l’on permet à une enfant, à un adolescent de mettre des mots, des sons, des couleurs, des notes de musique sur ce qu’il ressent, on fait reculer la violence » (p.89).
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