N° 662 | Le 17 avril 2003 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Bus dégradés, mobilier urbain détruit, gifle donnée à l’instituteur, émeute urbaine s’attaquant aux services publics symboles de l’État, les violences faites aux biens communs et aux agents des collectivités sont multiples et diverses. L’une des réponses possibles est répressive. D’autres solutions existent pourtant, comme le montre cet ouvrage qui ne se contente pas d’incantations mais qui s’appuie sur des actions menées au cours des dernières années. La démonstration est simple. Il y a d’un côté celles et ceux issus de l’avant crise, époque où le travail salarié structurait l’existence et où l’école constituait un lieu de promotion sociale. De l’autre il y a celles et ceux qui ont grandi avec comme seule perspective non plus un avenir meilleur mais la fatalité de rester au bord de la route. Les uns et les autres ne sont pas forcément éloignés sociologiquement. Mais ils ne se comprennent pas. Et puis, il y a les passeurs entre ces deux mondes qui s’efforcent d’appliquer des méthodes permettant une meilleure insertion.
Beaucoup ont agi jusqu’à ce jour en respectant les hiérarchies descendantes. Ainsi la plupart des réformes portant sur les services publics ont été conçues au sommet, sans chercher, au préalable, à s’alimenter ni des points de vue des agents qui sont pourtant en première ligne, ni encore moins des usagers. Mais, et c’est là l’idée innovante des auteurs : « la meilleure garantie qu’une solution soit adaptée aux situations n’est-elle pas qu’elle soit coproduite par ses utilisateurs ? » (p.74). À la base, il y a la conviction que chacun, à chaque niveau, possède des compétences : elles sont politiques chez les décideurs, techniques chez les professionnels et sociales chez les habitants. D’où la constitution de groupes de qualification mutuelle réunissant entre 12 et 18 personnes, choisies de façon à couvrir la plus grande diversité des situations et qui se réunissent 12 journées réparties sur 6 mois. S’y joue alors une rencontre entre les agents des services publics et les désaffiliés qui vont, tout au long des séan-ces, apprendre à recréer un lien de confiance, à rétablir une compréhension mutuelle et à dépasser les préjugés réciproques.
Cet espace potentiel de transformation sociale doit néanmoins emporter l’adhésion des employeurs qui mettent à disposition leur personnel. Mais la comptabilité est vite faite entre des dépenses en temps salarié et les économies liées aux réductions de coût que représente l’amélioration de l’environnement. Du côté des habitants retenus pour participer à cette action, le principe de la rémunération est essentiel pour rétablir la parité avec des professionnels intervenant sur leur temps de travail. L’ouvrage fournit toute une série d’illustrations qui sans être miraculeuses, n’en démontrent pas moins la pertinence et l’utilité de la voie empruntée.
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