N° 1294 | Le 27 avril 2021 | Critiques de livres (accès libre)
Tirer sur l’ambulance
LA place de Freud ne serait pas entre Copernic et Darwin, mais entre Andersen et les frères Grimm ! Comme les anciens fumeurs qui ne supportent plus la fumée du tabac, Jacques Van Rillaer, lui-même passé par la psychanalyse, éreinte ses anciens confrères. Il commence par dénier à Sigmund d’avoir conçu cette approche, celui-ci ayant reconnu d’abord la paternité de Breuer en 1910, avant de se l’attribuer en 1914. Il continue en démystifiant, l’un après l’autre, les piliers de la discipline souvent empruntés à d’autres penseurs : l’association libre, le lapsus, le rêve, la place de la sexualité, le complexe d’œdipe, la tripartition de la personnalité… « Il y a du neuf et du bon chez Freud », reconnaissait Alfred Hoche. « Mais ce qui est bon n’est pas neuf et ce qui est neuf n’est pas bon » rajoutait-il ! L’une des constantes chez les psychanalystes, c’est l’essentialisation et la généralisation de l’explication donnée. Excellant dans leur capacité à mettre tout en rapport avec tout, ils transforment en faits établis et incontestables leurs conjectures et leurs hypothèses arbitraires, s’empressant d’invalider toute contestation en l’identifiant à une forme de résistance chez le patient face à la vérité qui lui est dévoilée. Ils ne cessent de suggérer ses souvenirs et d’orienter ses propos pour les faire coller à leur propre théorie. En prétendant décoder les pensées d’autrui, ils ne font que projeter les leurs. Lacan n’est pas épargné dans ce jeu de massacre : il est comparé à celui que Schopenhauer accusait de paralyser toute pensée : « Faites-lui lire Hegel. Essayant vainement de comprendre ce monstrueux entassement de mots qui se contredisent et s’annulent, son cerveau épuisé succombera au point que dorénavant l’infortuné prendra pour pensée authentique le verbiage le plus vide ».
Jacques Trémintin
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