N° 701 | Le 18 mars 2004 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Voilà un ouvrage qui décoiffe. Habilement écrit par une sexologue québécoise, illustré avec humour et finesse, il ne peut que plaire par son ton à la fois pertinent et impertinent. Ici, pas de cours de tuyauterie ou de plomberie, pas de discours alarmiste ni moralisateur : juste un dialogue autour de choses simples et pourtant si complexes à transmettre sur le désir, le plaisir, la relation, l’amour… Faire de la sexualité une source d’épanouissement plutôt que d’appauvrissement, d’émerveillement plutôt que de dégoût : tel est le défi que s’est fixée l’auteure. Et pour cela, elle n’hésite pas à s’attaquer de front aux traditionnels tabous adolescents.
Non, la capacité de bonheur ne dépend pas uniquement des attributs physiques : la beauté, c’est bien. « Mais ça n’est jamais une police d’assurance contre l’échec et la souffrance ! » Non, se prendre un râteau, cela ne signifie pas qu’on ne vaut rien : ce qui est repoussé ce n’est pas tant la personne que sa proposition ! La relation sexuelle ne se limite pas au coït : les registres du plaisir sont bien plus larges et étendus. La taille du pénis n’a qu’un rôle limité : la capacité à ressentir du plaisir et à en donner n’a jamais dépendu de sa dimension. La gène et l’émotion lors de la première fois qui font perdre ses moyens au garçon et qui déçoivent la fille, sont normaux : la découverte de l’autre et de soi au travers de l’autre nécessite tout un apprentissage qui sert à chaque fois de leçon pour la fois suivante.
Faire l’amour, c’est une volupté qui s’apprend. Lentement. En s’entourant de confort, de sécurité, de temps. Tous les traités de techniques sexuelles ne vaudront pas la découverte réciproque entre partenaires : confiance, respect, délicatesse d’approche, capacité de se dévoiler, goût de découvrir, abandon… Toute autre est l’attitude qui cherche à s’imposer ou obtenir satisfaction par la menace, mais aussi à céder pour ne pas apparaître nulle ou subir plutôt que de risquer de le perdre, ce n’est surtout pas de l’amour : « Oui, c’est oui et c’est bon ; non c’est non et c’est bon aussi ». Humilier, se moquer, rabaisser : toute expression sexuelle et pseudo-amoureuse qui dévalorise une personne au lieu de la gratifier est une aberration. « Ta sexualité t’appartient », s’exclame l’auteure, mais si l’adolescent a des droits, il a aussi des devoirs : s’il a le droit de demander à ses parents de dormir dans sa chambre avec son ami (e), ses parents ont aussi le droit de le lui refuser.
Cet ouvrage est surtout à laisser traîner entre toutes les mains. Son intelligence d’approche et sa sensibilité sont autant de réponses à la vulgarité ou aux obscénités que des adolescents croient devoir s’approprier parfois en pensant ainsi se rendre dignes d’entrer dans le monde des adultes.
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