N° 998 | Le 16 décembre 2010 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Voilà une histoire fort bien écrite qui ne peut que régaler tout lecteur s’y plongeant. Il aurait été dommage qu’une animatrice d’atelier d’écriture ne se montre pas une belle plume. Mais, il y a là, bien autre chose qu’un excellent exercice littéraire. L’itinéraire qu’Isabelle Mercat-Maheu nous propose d’emprunter mène aux sources de cette activité collective autant qu’individuelle, tout en plongeant dans l’aventure humaine qu’elle suscite.
Tout commence dans le monde anglo-saxon à la fin du XIXe siècle. Des écrivains reconnus y dispensent des cours à l’université, censés apprendre à devenir auteur. Ils enseignent, d’une manière pragmatique, une façon de faire qui s’inspire de ce qui déclenche chez eux la créativité, sans qu’ils aient pour autant une vision plus précise que cela, de la question des chemins de la création chez leurs auditeurs. Savoir écrire soi-même ne donne pas la compétence de savoir faire écrire les autres. Le risque, en outre, est bien de provoquer un formatage et la tentation de recherche de recettes. Tout autre est le modèle français qui s’inspire bien plus d’une posture d’esthète.
Les ateliers d’écriture, qui voient le jour dans les années 1960, privilégient un texte libre devant, avant tout, être le reflet de la singularité de chacun et proposant une expérience sensorielle et émotionnelle bien plus qu’intellectuelle. L’animateur qui les mène est dans un rôle d’accoucheur, accompagnant les participants, plus que les guidant. Il aide à aller chercher, au fond de soi, ces mots qui dorment et qui ne demandent qu’à se réveiller. Il a été préalablement formé pour savoir préparer des propositions d’écriture, penser les étapes de progression, faire des retours sur les textes rédigés, soutenir le travail de réécriture.
Isabelle Mercat-Maheu nous livre ici son expérience sensible de l’animation de tels ateliers tant auprès de personnes âgées, que de prisonniers, d’élèves de primaire ou de collège, de primo-arrivants en stage linguistique ou d’éducateurs. Ce qui rapproche tous ces publics pourtant si différents, c’est la recherche d’une nouvelle source de plaisir et d’émotions, de libération et d’épanouissement. Ces ateliers ne relèvent ni d’un groupe de parole, ni d’un lieu de soins, ni d’une réunion amicale. On n’y vient pas pour se guérir, même si c’est là une aide précieuse parfois pour prendre la vie à bras-le-corps. Il ne s’agit pas non plus d’une remise à niveau en français ou d’une pratique quelconque de calligraphie. Chacun va devoir établir une relation vivante avec sa propre écriture, passant tour à tour par le plaisir, l’agacement, l’excitation, la complicité, l’audace. Un bon texte est un texte rédigé par un auteur qui s’engage et soigne son écriture, qui lui permet de renouer avec son élan vital.
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