N° 856 | Le 11 octobre 2007 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Ce livre le démontre avec brio : la violence a toujours existé à l’école et il est illusoire de vouloir l’éradiquer. Lorsqu’en 1990, Lionel Jospin, alors ministre de l’Éducation nationale, adresse la première circulaire sur cette question, il entame une longue série de dispositions surtout inspirées par l’émotion du moment et la compassion face à un fait divers. Pas moins de huit plans et dispositifs vont voir le jour, autant d’effets d’annonce qui se sont avérés aussi impuissants qu’inefficaces !
Car cette violence est aussi ancienne que l’école elle-même. Elle a d’abord été exercée par les enseignants eux-mêmes, qu’ils soient issus de la contre-réforme catholique ou de la République : férule, fouet, cachots étaient alors fréquemment utilisés contre les élèves. Entre 1870 et 1888, on ne compte pas moins d’une centaine de révoltes de lycéens dans des établissements regroupant quasiment exclusivement les rejetons des couches supérieures de la société. Il faudra souvent l’intervention de la gendarmerie, voire de l’armée pour mater la rébellion d’une jeunesse qui, pour être dorée, ne supporte plus ni les multiples brimades, ni les châtiments corporels. Ce n’est que lorsque la réforme libérale remplacera la crainte de la règle par son respect et la punition répressive par la sanction morale et réparatrice que ces révoltes disparaîtront. L’imagerie idyllique et nostalgique d’un maître dont l’autorité sacrée se serait imposée sans violence en retour est donc totalement mythique.
La césure de 1990 tient surtout à l’irruption sur la scène politico-médiatique d’une violence devenue affaire d’Etat. Le gouvernement conçoit un outil statistique (SIGNA) qui est très vite détourné, certains responsables notant systématiquement les incidents pour obtenir des moyens supplémentaires, d’autres les éludant afin de pas ternir la réputation de leur établissement. Résultat : 10 % des institutions signalent 48 % du total des incidents, 5 % concentrant 33 % d’entre eux. « Malgré quelques différences secondaires, les enquêtes de victimisation vont toutes dans le même sens : les violences scolaires sont beaucoup plus nombreuses, diffuses et généralisées que ce que l’on pense communément » (p.109).
Une étude menée en 1979 dans quarante et un collèges montre que les vols existent dans chacun d’entre eux, le racket dans les trois cinquièmes et les agressions contre les adultes dans la moitié d’entre eux. Mais la violence scolaire, c’est aussi l’humiliation subie par les élèves, le chahut supporté par les enseignants, le bizutage qui n’a pas déserté certaines grandes écoles. Loin d’être un phénomène marginal, elle se situe au cœur même de l’école. Les réponses ne peuvent être que globales et multiformes : les modalités d’apprentissage sources de tension, la stabilité et l’expérience des équipes des zones sensibles, la formation des enseignants à la pratique d’une sanction pédagogique et professionnelle.
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