N° 856 | Le 11 octobre 2007 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Transformer la violence des élèves

Daniel Favre


éd. Dunod, 2007 (312 p. ; 26 €) | Commander ce livre

Thème : Violence

Daniel Favre signe ici un ouvrage d’une grande pertinence. Sa démonstration ouvre une perspective passionnante sur une question qui ne peut être traitée qu’en préservant sa complexité et en favorisant les approches complémentaires et multidimensionnelles. La dimension qu’il a choisie de traiter concerne l’acquisition des compétences interpersonnelles.

L’école, explique-t-il, a deux fonctions essentielles : transmettre des savoirs et former des citoyens. Si elle doit aider l’enfant à acquérir des connaissances, elle doit tout autant lui apprendre à écouter, à comprendre, à formuler ses arguments et admettre ceux des autres, à se forger un esprit critique, à assumer ses responsabilités, à s’impliquer et mener un projet à bien. C’est bien cette alphabétisation émotionnelle et cet apprentissage des états de frustrations qui, selon l’auteur, sont au cœur de la prévention de la violence. C’est l’éducation qui doit aider à contrôler l’agressivité, qui pour être une pulsion biologique n’en doit pas moins être mise au service de la vie.

Daniel Favre propose une modélisation autour de trois systèmes de motivation. La motivation de sécurisation qui favorise la satisfaction des besoins élémentaires de base nécessaires à la survie. La motivation d’innovation qui permet d’aller vers l’inconnu et à partir de laquelle se construisent l’autonomie et la responsabilisation. Un juste équilibre entre ces deux dimensions, permet d’articuler le réflexe de protection et l’incontournable démarche vers l’autre. La troisième dimension dite de motivation de sécurisation parasitée intervient quand des expériences précoces d’abandon, de violence ou de frustration incitent à rechercher d’une manière obsédante, quoique non consciente, ce qui est connu et répétitif. Face à toute situation menaçante ou déstabilisante, le sujet privilégie le circuit court (qui le rend prisonnier de son impulsivité et de l’immédiateté) ou le circuit long (qui opte pour une conscience réflexive).

La violence exprime l’amplification d’une frustration et d’émotions que l’individu n’a pu élaborer. Elle démontre l’importance des lacunes en matière de communication : traitement dogmatique de l’information, coupure émotionnelle, recours au registre de l’implicite, énoncés de vérités absolues et de jugement définitif. La prévention de la violence passe par une éducation faisant le choix d’abandonner le postulat selon lequel l’autre n’a pas la même valeur que soi, la conviction qu’exprimer ses ressentis est une preuve de faiblesse, la certitude que dans un affrontement, il ne peut y avoir qu’un gagnant et un perdant, une partie qui a tort, l’autre qui a raison, l’un qui domine, l’autre qui se soumet. L’une des pistes particulièrement féconde consisterait donc à développer l’aptitude à l’empathie, cette présence à l’autre et le développement de l’estime de soi, (car être à l’écoute nécessite que son « lac intérieur » soit suffisamment calme pour refléter fidèlement ce que nous exprime son interlocuteur).


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