N° 973 | Le 20 mai 2010 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Il est permis d’obéir. L’obéissance n’est pas la soumission

Daniel Marcelli


éd. Albin Michel, 2009 (265 p. ; 17 €) | Commander ce livre

Thème : Autorité

Le thème de l’autorité est devenu une obsession. La question de l’obéissance semble, quant à elle, relever du pire des registres réactionnaires. Seule la désobéissance apparaît libératrice face à une éducation rigide et autoritaire. Fort de ce constat, Daniel Marcelli propose une réflexion passionnante, nous démontrant avec brio en quoi l’obéissance est le corollaire de l’autonomie.

Que le lecteur se rassure : on ne trouvera pas ici le moindre relent passéiste sur les vertus d’un style éducatif traditionnel qui, pour l’auteur, s’apparentait plus à du dressage, l’adulte cherchant à devenir maître de l’enfant, en utilisant soit la force brute, soit la séduction. La société contemporaine a vu un certain nombre de piliers se déconstruire : l’immaturité de l’enfant n’est plus conçue comme un inconvénient mais comme une potentialité qui ne demande qu’à se déployer, l’individu prévaut dorénavant sur le collectif, l’asymétrie entre générations se heurte à la revendication d’égalité…

Ces mutations ont provoqué une véritable révolution copernicienne : les parents proposent, les enfants disposent. Ce n’est plus l’interdiction qui constitue la norme, mais l’autorisation. Avec comme avantages majeurs, la priorité du désir, l’affirmation de soi, le sentiment de compétences chez l’enfant… et comme inconvénient principal la perception de toute limitation ou frustration comme autant d’expériences insupportables.

Quid de l’autorité qui relie les humains entre eux et qui est au cœur du processus d’humanisation et de culture ? Son ancienne déclinaison, cet autoritarisme basé sur la contrainte et la soumission, est moribonde. On retrouve ce comportement relevant du registre éthologique dans le monde animal qui fonctionne pour l’essentiel sur le rapport de force entre dominants et dominés. Dans l’espèce humaine, le désir d’assujettir son congénère est aussi présent. Et l’enfant, par sa fragilité, est la première victime de ce besoin archaïque et primaire.

Tout autre est l’autorité démocratique qui construit et qui autorise, avant d’interdire. Celle-ci ne se prend ni se décrète. Elle s’accorde et se mérite. Elle est fondée sur la discussion, l’argumentation, la justification, la recherche de consensus, de confiance et de réciprocité. Elle implique une obéissance qui, contrairement à la soumission qui maintient autrui en situation d’infériorité, offre au plus faible la possibilité de grandir, d’accroître progressivement ses possibilités et ses libertés. « L’éducation ne consiste pas à tout faire pour que les enfants obéissent, l’éducation consiste à les élever jusqu’à ce point où ils pourront choisir d’obéir ou de désobéir » (p.137). Parce que la désobéissance est l’aboutissement de l’obéissance.


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