N° 1302 | Le 5 octobre 2021 | Critiques de livres (accès libre)
Un Directeur qui sait de quoi il parle
Voilà un parcours de quarante ans au cœur des institutions accueillant des enfants placés qui risque de devenir rare, alors que les postes de responsabilité sont de plus en plus confiés à des personnes inexpérimentées face aux usagers. D’où l’intérêt de le lire. Avant de devenir Directeur de foyer, François Ruiz a commencé comme éducateur. Puis il devient chef de service. L’auteur a mille occasions ici d’évoquer sa riche et longue expérience. C’était un temps que les moins de vingt ans n’ont pas connu où les éducateurs assuraient les nuits, par roulement ; où ils partaient une semaine entière en camp l’été avec les ados confiés ; où ils se mettaient en grève en séquestrant le Conseil d’administration pour s’opposer à un licenciement. C’était une autre époque où les « bonnes pratiques » ne venaient pas normer des projets éducatifs expurgés de toute originalité ; où les évaluations ne coûtaient pas « un pognon de dingue » ; où le risque éducatif n’était pas encadré par tout un tas de notes de service, de décrets ou de jurisprudences et autres frilosités diverses et variées ; où les Directeurs généraux de plus en plus éloignés du terrain n’imposaient pas des règles absurdes (comme l’interdiction de soigner les enfants en l’absence d’un représentant du corps médical). Certes, une piqûre de valium ou une chambre d’isolement pouvaient servir à calmer un enfant en crise et la claque ou le coup de pied au cul étaient utilisés pour poser le cadre. Mais, les équipes réussissaient à faire face aux violences pas si récentes que cela : émeutes, père irascible venant exploser les plus de quarante vitres de l’établissement, foyer squatté pendant la semaine de fermeture. Nostalgie d’un passé idéalisé ? Pas du tout : juste le récit de savoir-faire et savoir-être ne pouvant qu’enrichir les jeunes générations de professionnels.
Jacques Trémintin
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