N° 1270 | Le 31 mars 2020 | Critiques de livres (accès libre)
Une autre façon d’être un humain
Claude Deusch nous propose ici un livre à la fois érudit et dense, mais toujours passionnant. A travers une rétrospective historique et philosophique, il distingue trois périodes historiques dans la perception de la folie. La première, qui a été la plus longue, a répondu à la peur sociale en stigmatisant la souffrance psychique et l’excluant du droit commun. Elle a infériorisé et disqualifié les fous en les renvoyant à la déraison et au désordre, à l’inefficience et à la déresponsabilisation. La seconde période, dont nous ne sommes pas sortis, les a enfermés dans un statut de malade, amalgamant la maladie du corps et la maladie de l’âme. La troisième époque, dans laquelle nous sommes entrés depuis les années 1980, a permis la prise de parole des usagers en santé mentale. La souffrance psychique n’est pas un état intrinsèque, ni une substance qui transforme celui qui la vit en un être à part. On ne peut plus se contenter du savoir accumulé sur lui, il faut dorénavant écouter sa parole de citoyen et de sujet à part entière. S’il n’y a pas d’identité entre le fou et le non-fou, il y a similitude : l’un et l’autre appartiennent à la même famille humaine. Sa spécificité qui le distingue du reste des Hommes, c’est une autre façon d’être au monde. Ce n’est plus l’insensé qui est incompréhensible, c’est nous qui ne comprenons pas sa logique et sa symbolique. Cette revendication d’être reconnu non à travers le seul attribut de la souffrance psychique, mais avant tout comme une personne, ouvre à un processus d’émancipation et d’empowerment que doivent rendre possibles les aménagements raisonnables de la part de la société. L’auteur présentent différents mouvements associatifs regroupant des personnes bien décidées à se réapproprier le combat contre tout ce qui constitue un obstacle à leur vie quotidienne.
Jacques Trémintin
Dans le même numéro
Critiques de livres