N° 726 | Le 21 octobre 2004 | Patrick Méheust | Critiques de livres (accès libre)
Les politiques nationales en matière sociale ne sont pas avares de généreuses déclarations d’intention. Les notions d’égalité, de citoyenneté, d’intérêt général, de service public sont régulièrement convoquées dans les textes législatifs et réglementaires et donnent la tonalité qui doit inspirer les acteurs locaux lorsque, à leur niveau, ils se décident à passer à l’acte. Ce livre s’attache à comprendre, à partir du traitement réservé à trois questions d’ampleur nationale (la prévention du décrochage scolaire, les discriminations ethniques et raciales à l’embauche et la prise en charge de l’errance juvénile), comment, à l’échelon local, s’incarnent concrètement les « consignes » nationales. Autrement dit, il s’agit d’examiner la façon dont fonctionne la « boîte noire » qui produit au quotidien l’action publique locale.
En réalité, les textes nationaux (ou supranationaux) sont souvent imprécis, hésitants et parfois même contradictoires. Le recours fréquent au terme de « lutte » tend à masquer une véritable indécision quant aux mesures à prendre. Aussi, comme le remarque l’auteur, « ces hésitations des orientations publiques contribuent à l’indétermination de l’agir public local et participent à l’élaboration d’espaces flous ». Autre conséquence néfaste, la tentation de réduire hâtivement les problèmes publics à des problèmes de publics (au sens de catégories de populations), solution éminemment pratique puisqu’elle garantit une certaine tranquillité d’esprit aux acteurs institutionnels, mais renforce cependant la stigmatisation négative des supposés groupes sociaux « à problème ». La focalisation de l’attention sur les caractéristiques intrinsèques d’un groupe tend insidieusement, en effet, à rendre ce dernier responsable de ses propres « déboires » en négligeant les raisons sociétales à l’origine des processus de désaffiliation.
De ce point de vue, ce type de raisonnement ménage le confort et la stabilité des systèmes sociaux locaux en les préservant d’affronter de face la réalité des phénomènes. Des solutions doivent donc plutôt être recherchées du côté d’une ré-appropriation authentique de l’espace public par les publics. C’est principalement sur les épaules des cadres intermédiaires que repose la responsabilité de rétablir une communication dégagée des préjugés communs de façon à proposer des prises en charge « sur mesure », prenant en compte la singularité de chaque individu. Pour sortir de l’impasse d’une jeunesse désignée a priori comme problème, il convient en tout premier lieu de donner la parole aux jeunes pour qu’ils puissent participer eux-mêmes à l’identification de leurs difficultés.
Dans le même numéro
Critiques de livres