N° 709 | Le 13 mai 2004 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

L’insécurité sociale. Qu’est-ce qu’être protégé ?

Robert Castel


éd. Seuil, 2003 (96 p. ; 10,5 €) | Commander ce livre

Thème : Insécurité

Nous vivons dans l’une des sociétés de l’histoire qui aura été la plus sûre : de la naissance à la mort, nos existences ne se déroulent plus sans filet de protection. Cette sécurité intervient tant au niveau civil (l’État de droit garantissant les libertés fondamentales) que social (les principaux aléas de la vie étant couverts). Mais, cette situation ne s’est pas posée historiquement, d’emblée. Pendant longtemps, ce qui a régné, c’était un état d’insécurité permanent qui ne permettait ni de maîtriser le présent, ni d’anticiper positivement l’avenir. La forte croissance intervenue entre 1953 et 1970 et l’inscription des individus dans des collectifs protecteurs ont permis de changer la donne. Le travail a cessé d’être un simple rapport marchand livré au bon vouloir du marché : il a été remplacé par un emploi bénéficiant d’un statut et de règles protectrices.

Parallèlement, se sont créés des équivalents sociaux que seule la propriété privée permettait de se procurer jusqu’alors : la société salariale a intégré dans le salaire, les périodes de vie comme le chômage, la retraite, la maladie, au cours desquelles les salariés continuent à percevoir leurs revenus. C’est à partir des années 1970 que la situation se détériore entraînant dans son sillage un sentiment durable d’insécurité. Paradoxalement, l’une des explications tiendrait dans la large sécurisation ambiante : la garantie croissante contre les menaces rendrait insupportables celles qui ne peuvent qu’apparaître (la vie étant un risque permanent, car l’incontrôlable est inscrit dans son déroulement même, il ne pourra jamais exister de sécurisation absolue).

Autre facteur non négligeable : dans une société de plus en plus individualiste, il est de plus en plus intolérable de ne pouvoir assurer sa protection individuellement, mais de devoir faire appel à la communauté, cette dépendance à l’égard des autres renforçant alors le sentiment de malaise. Mais, il faut aussi évoquer les fractions entières de la population laissées sur le bas-côté qui se tournent davantage vers le passé que vers un avenir qui fait peur et adoptant des attitudes défensives et hostiles face à la nouveauté, au pluralisme et aux différences. L’évolution qui se fait jour ne peut qu’aggraver l’impression d’une crise des protections. L’État sécuritaire qui s’installe, en cherchant l’efficacité ne peut que réduire le respect des formes légales. La gestion individualisée de l’emploi venant remplacer l’ancienne gestion collective, les trajectoires professionnelles se trouvent affaiblies.

L’auteur affirme qu’il est aussi naïf de prôner le retour aux protections antérieures que de penser que seule l’abolition de toute assurance collective permettra de libérer les potentiels individuels. Et d’en appeler à la création de nouvelles protections sociales qui préserveraient la continuité des droits et le statut de l’emploi.


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