N° 765 | Le 15 septembre 2005 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
L’action éducative engagée au sein des familles se situe à la frontière de l’autorité parentale et du devoir de protection de l’enfance, de l’aide et du contrôle, du respect du droit des familles et de l’ingérence dans leur sphère intime. Cette définition qui nous ouvre à la complexité, nous est livrée par Martine Beistegui, directrice du service d’éducation en milieu ouvert de l’association Buzenval qui a eu la bonne idée de réaliser cet ouvrage mêlant avec bonheur, témoignages de professionnels et travaux de chercheurs et d’universitaires.
Comment se situer sur l’arête de cette lisière ? Peut-être d’abord en se dégageant du mythe improbable d’une pseudo-objectivité. « L’être humain est complexe. Le comprendre est plus complexe. Vouloir l’aider, l’accompagner ou l’éduquer est bien plus complexe encore » (p.56). Pour tenter d’y arriver, on ne peut que passer par l’intermédiaire de nos représentations qui, pour être le plus souvent d’une grande richesse, ne sont quand même qu’un système de pré-décodage et d’interprétation de la réalité.
Nous ne pouvons traiter simultanément toutes les informations qui nous parviennent. Il est nécessaire de filtrer les données reçues pour ne retenir que les informations jugées utiles, en éliminant les autres : observer implique de choisir ce que l’on regarde. Et « notre incapacité à appréhender immédiatement, c’est-à-dire sans médiation, la réalité, nous condamne à cette production d’images éphémères qui, censées représenter cette réalité, fonctionnent comme des projections désignant plus aisément le sujet qui les construit que l’objet qu’elles désignent » (p.29).
Travailler avec l’autre, c’est donc, avant tout, travailler sur soi. Ainsi, l’action sociale interculturelle qui nécessite certes une connaissance des codes culturels permettant d’évaluer si les comportements dérogent aux règles de la communauté concernée, les spécificités familiales et culturelles plaçant l’intervenant au milieu du gué entre deux risques : celui de l’ethnocentrisme, du repli sur soi et de la crainte de l’autre, d’un côté, celui de la fascination pour la différence qui peut mener au déni et à la banalisation, de l’autre. La légitimité de l’action engagée est à chaque fois unique et originale. Il n’existe pas de répertoire de bonnes réponses à donner dans tel ou tel cas de figure.
L’action des professionnels relève d’un délicat canevas tissé avec ce qu’il y a de plus intime, avec les formations diverses acquises ainsi que les multiples expériences accumulées. D’où la nécessité, pour permettre à chacun de se poser, de cheminer et d’explorer les différentes pistes possibles, de poser un cadre qui soit disponible, respectueux, ouvert et bienveillant et d’ouvrir un espace de construction de sens.
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