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► LE BILLET de Ludwig • Au revoir
« Toute ressemblance avec des faits et des personnages existants ou ayant existé serait purement fortuite et ne pourrait être que le fruit d’une pure coïncidence ».
Chèr-es collègues,
Il est venu le temps de se dire au revoir.
Je ne peux que vous souhaiter le plus grand courage, si vous restez, ou que vous faites le choix de partir pour éviter de mourir. Car la tempête arrive. On ne peut se voiler la face devant la dégradation des conditions de travail, le manque de moyens, le management délétère et toxique, l’usure qui gagne chacun. Cela va aller de mal en pis. Tout salarié ne peut tenir dans ces conditions.
Sauf si vous vous protégez. En refusant d’obéir. En disant non à la surcharge de travail. En acceptant votre fatigue et en respectant vos besoins. En vous unissant, collectivement, face à l’individualisation et à la course effrénée qui ne permet plus la rencontre ni le dialogue entre vous. La pression constante pour tenir les objectifs, sous couvert de contrôle qualiopi, RSO, RSE et consorts, rend dingue. Plus le temps de penser, de parler, d’élaborer, car il faut remplir les tableaux, les espaces de travail en ligne, voire anticiper vos prépas au cas où vous seriez absents. Mais il n’y a même pas le temps d’effectuer le travail pour hier, alors pour demain…L’organisation est défaillante. Trop de charge de travail pour le temps imparti. Elle a même augmenté. Vous voyez le délire ? Alors nous courons sous la pression continue du lundi au vendredi, on entre dans la machine. Mais ne te plains pas, ce n’est pas l’usine ! C’est le monde de l’associatif, dépouillé de ses valeurs que l’on affiche sur le papier glacé des portes ouvertes. On y participe, à ces dysfonctionnements. En comblant les manques et les lacunes, en donnant tout pour ces jeunes en difficulté, en s’oubliant et en tombant malade du travail. La belle affaire.
Et pourtant, que j’ai été heureux de vous connaître. Vous m’avez accueilli et j’ai découvert avec vous un autre métier quand je cherchais ma place. J’ai découvert des personnes tellement engagées dans leur travail auprès des jeunes que j’y ai cru encore. Merci pour tout cela. Même si j’ai vite compris qu’ici aussi, le monde du travail était corrompu et que l’herbe n’était pas plus verte. Quand il ne reste que les sanctions disciplinaires pour mettre au pas les salariés, faire des exemples pour que tout le monde rentre dans le rang. Cela fonctionne, plus personne ne dit rien. C’est peut-être ça le pire. Chacun souffre en silence, se renferme, s’isole, se perd. Une collègue tombée en burn-out m’a dit « on a tué mon rêve ». Alors ne vous laissez pas mourir.
Face à la souffrance, soyez solidaires, collectifs, prenez soin des autres par principe parce que ce qui lui arrive peut vous arriver. Vous avez raison de vous battre pour les jeunes, il en faut des gens comme vous, sinon sur qui peuvent-ils compter ? Mais n’y laissez pas votre peau. Vous n’aurez ni merci ni reconnaissance, ni salaires décents. La souffrance au travail est connue. Vous faites un métier formidable.
Moi, je retiens une autre expérience de travail, de nouvelles rencontres même si je pars amère. Je sais qu’il fait beau ailleurs.
Alors, je ne peux que souhaiter, sur ce radeau de la méduse, bon vent !
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