N° 916 | Le 12 février 2009 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Au cours de la décennie qui vient de s’écouler, le chômage a régressé et la pauvreté monétaire a reculé. En Europe, notre pays est en quatrième position tant pour le pourcentage de pauvres que pour le montant de son SMIC. Et pourtant, il y a divorce entre le mesuré et le ressenti. Jamais, depuis la Seconde Guerre mondiale, les salariés ne se sont sentis autant menacés. C’est qu’il faut peu de choses pour basculer en dessous du seuil d’une pauvreté qui frappait jusqu’en 1970 les personnes âgées et qui menace aujourd’hui le travailleur moyen.
Pour Denis Clerc, le responsable de cette situation est à chercher du côté du travail précaire, partiel ou inaccessible : la lutte contre la pauvreté passe par la lutte pour l’emploi. Pourtant, la France n’a pas démérité. Entre 1992 et 2007, elle a créé 3,5 millions de postes de travail supplémentaires (70 % de cette augmentation intervenant dans la période d’application des 35 heures), là où le Royaume-Uni en a produit 2,7 millions. Mais, dans le même temps, l’Hexagone a vu sa population active croître de 3,6 millions de personnes, alors qu’Outre-Manche celle-ci n’augmentait que de 1,6 million. Résultat : un chômage qui stagne dans notre pays à 9,8 %, contre 5,3 % au Royaume-Uni. Mais, le problème qui se pose est bien plus qualitatif que quantitatif : ce n’est pas tant le manque d’emploi qui risque de se poser dans les années à venir que la question de l’employabilité. Au-delà de quatre mois de chômage, un salarié commence non seulement à perdre la confiance en soi, mais aussi le savoir-faire acquis dans sa profession.
L’auteur préconise toute une série de mesures devant permettre de faire face à cette situation. Et pour commencer, la formation : initiale tout d’abord pour faire reculer l’échec scolaire, continue ensuite, pour renouveler les compétences. Cependant, il faut tout autant combattre le développement des emplois paupérisant, en conditionnant par exemple l’attribution des aides publiques aux engagements pris par les entreprises en la matière. Il faut aussi développer ces emplois d’insertion qui permettent aux salariés abîmés par la vie de se reconstruire. Une telle politique représenterait un coût de près de 10 milliards d’euros et éviterait dans le même temps les 20 milliards que coûte une exclusion qui se cumule et s’allonge d’année en année. Dépenser aujourd’hui, pour moins dépenser demain. S’il n’est plus possible de revenir à l’Etat providence d’autrefois, il faut passer résolument à l’Etat d’investissement social.
C’est bien l’évolution de la situation des plus pauvres qui doit servir de critère et non les avantages accordés aux plus riches et leurs supposées retombées sur les plus pauvres, conclut l’auteur, dont la pertinence est décuplée sous les effets de la crise intervenue après la publication de son ouvrage.
Dans le même numéro
Critiques de livres