N° 908 | Le 4 décembre 2008 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Une idée reçue veut qu’il n’y ait de véritable savoir qu’académique, celui acquis par l’apprentissage scolaire et la formation professionnelle. Or, toute action produit une connaissance. Tout au long de la vie, nous accumulons des capacités cognitives, conatives et affectives qui nous permettent de gérer la routine, mais aussi de faire face aux situations nouvelles.
Pour autant, l’apprentissage expérentiel, qui est à la base de la validation des acquis de l’expérience, réhabilite l’empirisme, en replaçant en perspective la coupure épistémologique entre les connaissances scientifiques et celles de la vie quotidienne. Mais, en même temps, s’il n’y a pas de connaissance sans expérience, cette dernière ne nous donne pas directement à penser. Il faut pour y arriver réussir à s’en arracher. Nous sommes là au cœur de la problématique de la VAE. Même si son fondement a toujours existé, elle a émergé à une période précise de l’évolution de nos sociétés.
Ce dispositif répond d’abord à une aspiration individuelle : accéder à une promotion professionnelle et à une reconnaissance sociale de ce que l’on sait faire, sans en avoir forcément les diplômes. Mais cela correspond tout autant à des mutations sociétales : élévation du niveau de compétences exigé du fait du progrès constant des sciences et des techniques, sentiment de précarité et d’insécurité incitant à acquérir une reconnaissance de qualification pour mieux se protéger contre les incertitudes, impossibilité grandissante de toute prévision à moyen ou long terme des besoins en main d’œuvre et nécessité de pouvoir toujours s’adapter, permettre le mouvement des flux…
On assiste bien là à un changement de paradigme : la politique éducative centrée sur le développement général de l’éducation, sur l’allongement de la durée des études, sur l’élévation du niveau de culture et de formation de la population a basculé sur des objectifs orientés vers l’optimisation des ressources et la rentabilisation des investissements éducatifs. La logique de la qualification s’oppose à celle de la compétence. La première valorise l’école, considérée comme seul lieu susceptible de transmettre des savoirs. La seconde privilégie le savoir en action, les savoir- faire de l’individu et sa flexibilité. On passe de la position d’avoir (un diplôme) qui dure toute la vie, à celle d’être (compétent) qui par essence est contingente.
La VAE, si elle peut constituer une instrumentalisation de la gestion des ressources humaines, peut aussi être un formidable moyen de réparation psychique et d’élaboration du sentiment d’estime de soi. Elle donne la possibilité à des professionnels ayant échoué face aux contraintes scolaires, d’obtenir une reconnaissance symbolique du savoir-faire accumulé et non reconnu.
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