N° 905 | Le 13 novembre 2008 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
On a pu expliquer la délinquance juvénile par l’hérédité, le biologique ou encore par la tentation situationnelle (trop grande accessibilité des cibles potentielles). Mais il est deux théories qui s’affrontent tout particulièrement. La première invoque la seule responsabilité de l’adolescent qui ferait un choix rationnel, inspiré par les gains matériels potentiels qu’il peut tirer de l’infraction commise. Il suffirait donc de le menacer de sanctions suffisamment dissuasives pour qu’il s’abstienne. La seconde théorie considère que la délinquance est fille de la pauvreté, de l’exclusion et de la défaillance des institutions. La société qu’elle considère donc comme responsable des passages à l’acte des mineurs doit se mobiliser pour réduire les inégalités.
Lorraine et Sébastien Tournyol du Clos refusent de s’enfermer dans une approche qui se voudrait unifactorielle et revendiquent une démarche intégrative qui combine toutes les pistes de travail existantes. S’ils rejettent les caricatures de la totale déresponsabilisation du sujet, ce n’est pas pour accepter de se focaliser sur sa seule responsabilité. Ils proposent de croiser les différents facteurs potentiels (psychologiques, socio-économiques, familiaux, scolaires, institutionnels) avec une démarche économique.
L’étude qu’ils réalisent leur permet d’identifier quatre causes statistiquement représentatives de la délinquance juvénile. Avec, comme éléments incitatifs, l’appartenance à une famille nombreuse (moindre contrôle parental et plus grande dispersion pour recevoir de l’affection) et la proximité avec un milieu préalablement transgressif (effet d’entraînement direct). Parmi les deux autres éléments plutôt dissuasifs, on compte la présence policière (qui détourne plus facilement de la tentation) et… la grande pauvreté (qui incite à se centrer sur la seule survie et marginalise y compris par rapport à la délinquance). Ils classent les infractions dans trois catégories : initiatiques dans 30 à 35 % des cas (dimension courante à l’adolescence et donc passagère), d’exclusion dans 40 à 45 % (il s’agit alors d’une appropriation de biens difficilement accessibles) et enfin pathologiques pour 25 % (exprimant une profonde souffrance affective et psychologique).
Refusant l’opposition entre les analyses qualitatives et celles qui relèvent du quantitatif, les auteurs en appellent à utiliser les recherches chiffrées sur les occurrences et les fréquences des différents comportements corrélés aux multiples circonstances possibles. Car, si les déviances sont théoriquement inévitables et juridiquement variables, elles doivent pouvoir être mesurées et ainsi permettre de cibler et de hiérarchiser les solutions éducatives, préventives et environnementales les plus efficaces.
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