N° 1068 | Le 28 juin 2012 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
D’une écriture vive, précise et minutieuse, le dernier roman de Serge Heughebaert met en scène des situations tranchées au scalpel. Hélène, violoncelliste émérite, a pris l’habitude de se faire décrire le monde qui l’entoure : aveugle à la suite d’un accident, elle voit au travers des yeux de ses proches. Pedro, un pêcheur solitaire né sur une île dont il ne s’est jamais éloigné, vit d’une mer qui lui a volé son père noyé lors d’un naufrage et sa mère morte de chagrin, peu après. Le destin de ces deux-là va se croiser et le mariage qui ne tarde pas à les unir les entraîne dans une bien curieuse aventure.
Présidente de Nouveau départ, une association de réinsertion pour les détenus, Hélène est sollicitée avec son mari pour prendre la succession du directeur de la prison locale qui vient de décéder. Sans expérience aucune, ils font alors le choix de construire une vie communautaire avec les détenus. Christian, né de leur union, sera autant leur enfant que celui des prisonniers, jouant avec l’un, apprenant à lire avec l’autre.
Voilà qui pourrait constituer un véritable conte de fée, avec un magnifique happy end. Ce serait mal connaître l’auteur qui sait pimenter son récit de descriptions qui font place tant au vitriol qu’à un profond humanisme. On se régale de lire la scène de la séance du conseil d’administration de l’association et du portrait plein d’humour et de saveur tiré de chacun de ses membres. On se délecte de la fresque de la petite société provinciale où est située la prison, véritable peinture de mœurs à la Chabrol qui révèle les turpitudes et les bassesses dont peut faire preuve l’être humain. On goûte avec émotion à la peinture des jeunes délinquants peuplant la prison, de leurs travers et de l’itinéraire fracassé qui les a menés là.
Serge Heughebaert sait plonger sa plume dans l’expérience accumulée et la subtile connaissance qu’il a de la vie des exclus.
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