N° 1148 | Le 2 octobre 2014 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
La guerre invisible • Révélations sur les violences sexuelles dans l’armée françaises
Leila Minano et Julia Pascual
Si cet ouvrage n’est pas passé inaperçu dans les médias, ce n’est pas seulement en raison du sujet explosif qu’il traite. Le sérieux et la persévérance avec lesquels l’investigation a été menée, trois années durant, y sont aussi pour beaucoup. Une paire de claques à la « grande muette », tel pourrait être le sous-titre de cette enquête qui démontre combien l’armée française n’est pas une exception, par rapport à nombre de ses consœurs étrangères qui, elles au moins, ont eu le courage et la lucidité de reconnaître le sort subi par nombre de femmes engagées en leur sein. Ce qui ressort des nombreux témoignages recueillis ici, démontre un mode de fonctionnement fondé sur un sinistre triptyque.
Des valeurs dominées par des stéréotypes imprégnés de virilité et de misogynie, tout d’abord : la cohésion de groupe se structure autour du dénigrement systématique de toute féminité, ce qui se traduit trop souvent, au mieux par des réflexions graveleuses et sexistes et, au pire, par du harcèlement sexuel et/ou des viols. La prégnance de l’alcool et de la drogue, ensuite, échappatoires à l’enfermement et à l’ennui d’une existence à huis clos, inhérente à la vie militaire, qui joue un rôle majeur de désinhibiteur dans les agressions commises. Le tabou et l’omerta, enfin, comme réactions principales d’une hiérarchie soucieuse, avant tout, de préserver l’image et la réputation d’une institution qui n’aurait rien à se reprocher. Des agresseurs à peine blâmés, des victimes mutées et des lanceurs d’alerte brimés… rien ne doit transparaître. L’armée française s’enorgueillit d’être l’une des plus féminisée au monde (15,7 %). Pourtant, elle reste l’un des bastions où les femmes sont perçues le plus comme des intruses, ou comme des objets sexuels, l’ostracisme frappant les victimes quand elles osent s’en plaindre.
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