N° 912 | Le 15 janvier 2009 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Le RSA : une révolution sociale. Récit d’une expérimentation dans l’Eure
Marianne Bernède
Voilà un ouvrage passionnant, fort bien écrit et qui permet de comprendre la portée et les enjeux de cette nouvelle législation sociale. Tout commence par une rencontre, en 2005, aux marges d’une journée d’étude entre Jean-Louis Destans, président du conseil général de l’Eure et Martin Hirsch, alors président de l’agence nationale de sécurité alimentaire. Le premier cherche des voies d’expérimentation pour renouveler l’action d’insertion dans son département. Le second vient de boucler un rapport préconisant toute une série de mesures innovantes. Ils décident de travailler ensemble. Toute une série de chantiers créatifs voient le jour parmi lesquels la mise en place d’une plateforme unique d’accueil, regroupant services du conseil général, CAF, CPAM, ANPE (qui permettra la réduction les délais de signature du contrat RMI de trois mois à trois jours et demi).
Mais, c’est l’élaboration d’un dispositif préfigurant le RSA qui sera le plus marquant. On peut le décrire comme un costume trois pièces : incitation financière sous la forme de l’indemnisation du travail partiel jusqu’à hauteur du seuil de pauvreté, accompagnement personnalisé y compris lors de la reprise d’un travail (ce qui permet aussi d’aider à gérer les passages à vide qui interviennent souvent dans les semaines qui suivent) et enfin la possibilité d’aide ponctuelle favorisant directement la remise au travail (pour l’achat d’un véhicule, la garde d’enfants…). Le département de l’Eure devint dès le 1er juillet 2007 une collectivité phare dans l’expérimentation des nouvelles voies vers l’insertion.
L’ouvrage de Marianne Bernède met bien en évidence cette dynamique nouvelle, qui s’empara tant des usagers qui furent étroitement associés à la réflexion, que des décideurs qui montrèrent un vrai courage politique à se lancer ainsi quasiment sans filet ou des travailleurs sociaux qui se mobilisèrent, en s’emparant des outils nouveaux qui leur étaient proposés. Ce qui se déroule alors dans l’Eure n’est pas forcément identique à ce qui se joue ailleurs, chaque département ayant accepté d’expérimenter le nouveau dispositif, en choisissant de privilégier une dimension ou une autre. Et c’est là toute la richesse d’une procédure permettant de comparer les effets induits par les diverses versions mises en œuvre et d’en tirer des conclusions avant la généralisation.
Mais c’était sans compter sur l’agitation permanente d’un Président ayant avant tout besoin d’un effet d’annonce pour crédibiliser sa politique sociale. Les délais d’observation qui devaient s’étendre sur trois ans ont été réduits à quelques mois. Tous les acteurs intervenant dans cet ouvrage déplorent cette précipitation qui ne permet pas de vérifier les éventuels dysfonctionnements, le risque essentiel étant bien de ne pouvoir étendre les moyens qui ont été placés sur les territoires d’expérimentation.
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