N° 857 | Le 18 octobre 2007 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Est-il possible d’apporter une critique au féminisme, sans prendre le risque d’être traité de phallocrate réactionnaire ? C’est dans cette tentative que se lance Jean Gabard avec habileté. On trouvera toujours ici et là une affirmation qui, sortie de son contexte, pourra déclencher l’ire des bonnes consciences (comme, par exemple, la présentation comme « comparable » de la violence physique dont se rendent trop souvent coupables les hommes dans le couple et la violence psychique dont seraient responsables les femmes…).
Pour autant, l’idée développée par l’auteur est tout à fait intéressante : si le monde est bien loin de vivre une prise du pouvoir par les femmes, il n’en subit pas moins une féminisation rampante. Pendant des milliers d’années, les valeurs présentées comme masculines ont dominé : la raison, la loi, la maîtrise, le travail, la distance, la froideur, le force, la bravoure. Insidieusement, puis de plus en plus ouvertement, d’autres valeurs dites féminines sont venues s’imposer : la sensibilité, la spontanéité, la proximité, la douceur, la tendresse, l’authenticité, la sincérité… L’émergence de ces qualités que doit posséder l’homme, pour être considéré et reconnu, relève d’une mécanisme de généralisation de ce que l’auteur appelle un « gynocentrisme ».
On retrouve ce mouvement dans des pratiques éducatives qui confrontent l’enfant au manque du manque : anticiper sa demande, combler ses besoins, autant de comportements qui font l’impasse sur le temps du désir et du rêve. On le retrouve aussi chez ces parents tentés par la relation de copinage et de complicité qui prive l’enfant de la présence éducative ferme et rassurante d’adultes leur posant des repères et des limites auxquels ils puissent s’opposer de façon structurante et constructive. On le retrouve encore chez ces hommes politiques qui ne cherchent plus à faire entendre raison en s’appuyant sur la réflexion, mais préfèrent faire appel à l’émotion et à la séduction. On le retrouve toujours dans une école qui laisse trop souvent croire que l’on pourrait renoncer à l’effort et à la contrainte dans l’apprentissage. Toutes choses qui se rapprochent de la dimension maternante et de la relation fusionnelle de la mère avec le bébé qu’elle a porté neuf mois durant.
Jean Gabard ne revendique par un retour à un passé ouvertement patriarcal. Il condamne fermement le machisme. Simplement, il constate que l’idéologie féministe a provoqué des dérives tout aussi destructrices. À vouloir assimiler la moindre asymétrie à une forme de domination, elle en est venue à nier toute spécificité féminine ou masculine et à transformer le père en un vague assistant maternel un peu encombrant et pas toujours très utile. L’auteur en appelle à sortir de la fusion/confusion qui marque la relation homme/femme, père/mère et parents/enfants et de la substitution de la raison par l’émotion.
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