N° 1178 | Le 4 février 2016 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
La réédition de ce livre publié initialement en 1993 est un vrai bonheur. Quand tant s’autorisent, souvent avec talent, à évoquer le handicap, sans le connaître eux-mêmes, voilà un auteur qui parle de ce qu’il vit. Victime d’un accident de voiture lui ayant endommagé la moelle épinière, Bertrand Besse Saige décrit la renaissance qui lui a permis de réapprendre à vivre et oser être à sa nouvelle vie. Il n’est pas donné à tout le monde de devenir journaliste-reporter d’un évènement vécu de l’intérieur. C’est ce qui rend si précieux un tel témoignage démontrant qu’un être blessé est dans la même quête que celui qui ne l’est pas : trouver une raison d’exister.
Tout handicap, toute maladie, toute contrainte apporte son lot de compensation, affirme-t-il, pourvu que se manifeste une acceptation débouchant sur une aventure potentiellement riche en dépassement et en découverte de soi. Bien sûr, le deuil et la nostalgie de l’homme debout infligent souffrance et abattement, figeant parfois dans la révolte, la culpabilisation ou le désespoir. Les chemins sont parfois longs et sinueux, avant que le soleil intérieur ne se lève. Mais, pour autant que l’on réussisse à retrouver des valeurs réhabilitant l’authenticité, permettant ainsi de reprendre possession de soi et de se revendiquer à la vie, il est possible alors de s’engager dans un vrai coup d’État contre l’adversité. La paix intérieure ainsi gagnée apporte la capacité de relativiser le déficit, d’instaurer la distance nécessaire face aux illusions agitées par l’ego et de reprendre confiance en soi et en l’autre. Pour autant, cette seconde et longue gestation nécessite l’engagement d’un entourage acceptant de s’engager dans la rencontre.
Entrer en relation avec un être blessé, nécessite de l’épurer de ses apparences grossières et trompeuses, afin de réussir à pénétrer la réalité et l’impermanence de l’être.
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