N° 1315 | Le 12 avril 2022 | Par Jérôme Corderet, porteur d’un handicap et citoyen comme les autres | Espace du lecteur (accès libre)
Le travail social victime de la pénurie de moyens et de professionnels, cela impacte en premier lieu des personnes accompagnées. Jérôme Corderet, qui est l’une d’entre elles, réagit à cette situation.
En ce moment, dans le médicosocial, dans tout ce qui est établissement pour personnes handicapées, peu importe le handicap, on a beaucoup de mal à recruter, parce que n’ayant pas été revalorisé depuis plein d’années, le métier n’est plus attractif, financièrement parlant.
Alors, on se retrouve avec des professionnels non qualifiés. Bon, c’est sûr, on a fait la manif à Lyon avec des pancartes « Handicapés pas contents ». Mais, pour le moment, ça n’a pas bien bougé ! Plein de postes à pourvoir dans les associations, je ne mettrai pas un chiffre, parce que ça change toutes les semaines, voire tous les jours, pour être poli. Pour toutes les institutions -oui -c’est la galère. On nous a demandé de refaire une manif, pas à Lyon, un peu plus loin de Lyon, mais il fait froid. Et puis, à mon avis, ces manifestations qui nous réunissent (enfin tous ceux qui veulent) sont trop pacifiques. Comme on ne rapporte rien, mais qu’on coûte, tout le monde s’en fout, ou à peu près. Et on n’est pas écouté.
Moi, je propose une autre démarche. Comme on ne peut pas faire des manifestations qui dérangent, il faut essayer de bloquer l’administration française pour le Handicap, pour les personnes âgées, pour tous les types de gens dépendants. Il ne faut plus remplir les dossiers de prise en charge, plus faire de bilans d’activité, plus de bilans de groupe, plus rien qui concerne tout ce que la société nous demande de faire tout le temps. Il faut arriver à bloquer le pays administrativement, tous les papiers que les associations doivent remplir, pour moi, il ne faut plus les remplir. Ne plus déposer les papiers concernant le projet associatif, comme on doit le faire. Ça paralysera les maisons de handicapés.
Il faut qu’on en fasse le moins possible : prendre soin des gens, ne pas faire le travail de deux ou trois, si les postes ne sont pas pourvus. Il faut prendre son temps, et tant pis pour les à-côtés. On va doucement, on ne sera pas à l’heure pour prendre les convois ou les bus, mais ça ne fait rien.
Il faut déclencher une guerre administrative avant les élections présidentielles, que ce soit n’importe lequel qui passe, d’ailleurs, je ne sais plus pour qui voter aujourd’hui.
Voilà ce que je propose, moi, pour essayer de faire bouger les choses : une guerre administrative. On ne fait rien du tout ; on fait le minimum pour s’occuper des gens. J’appelle toutes les familles des gens dépendants à participer à cela, en déchargeant les institutions des gens dépendants le temps qu’il faudra. Mais il faut que toutes les associations participent à ça, dans toutes les Maisons du Rhône, et des autres départements. Bien sûr, cela va peut-être créer d’autres problèmes que je n’imagine pas, par exemple bloquer nos dossiers personnels, institutionnels voire associatifs. Dès qu’ils nous redonneront des moyens, on recommencera à remplir les papiers administratifs.
Pour que mon idée marche, il faudrait que tous les gens accueillis dans les centres médico sociaux bloquent le paiement qu’ils font par trimestre au Conseil général. Si tous les gens de toute la France le faisaient, ça bloquerait le système.
J’avais envie de vous dire ça, je pense qu’il y en a qui vont faire des bonds, mais moi, je propose une guerre administrative avant les élections.
À bon entendeur…