N° 1149 | Le 16 octobre 2014 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Se tromper est une constante de toute action humaine. L’ignorer ou prétendre l’éviter en faisant confiance à la rationalité procédurale constitue la meilleure manière de s’enfermer dans son erreur. S’appuyant sur des expériences scientifiques et des pratiques de terrain, Christian Morel propose cinq principes constitutifs d’une culture de la fiabilité. Cette méthodologie peut être mise à profit dans toute organisation cherchant à garantir la qualité de son action.
Première métarègle : la collégialité. Il s’agit de travailler à un consensus vrai qui se distingue de l’unanimité médiocre (obtenue par pression du groupe ou influence d’un leader) ou de l’unanimité apparente (qui vole en éclats, dès que l’on fait parler les silencieux). Elle se construit, en favorisant le débat, en suscitant des arguments contradictoires et en consultant largement les acteurs concernés. C’est l’introduction de la démocratie à l’intérieur du cockpit des avions qui a permis de faire diminuer les accidents aériens.
Seconde règle : renoncer à la subordination absolue à la hiérarchie, à la soumission aveugle aux règlements et à l’obéissance totale aux procédures. L’adaptabilité et la flexibilité nécessaire pour répondre aux inévitables indéterminations et incertitudes inhérentes à toute action humaine impliquent de laisser place à la contestation mutuelle en équipe et de donner la priorité à la compétence et à l’expertise sur la chaîne de commandement. En cas d’incident dans un sous-marin nucléaire, le commandant s’en remet au technicien possédant le savoir nécessaire.
Troisième facteur de fiabilité : le renforcement linguistique et visuel des interactions humaines. Reformuler permet de sortir de l’ambiguïté de toute communication. L’application d’une check list dans la salle d’opération d’une dizaine d’hôpitaux dans le monde a permis de diminuer de 57 % la mortalité et de 36 % les complications par rapport aux établissements n’appliquant pas cette procédure.
Quatrième principe : l’immunité quant aux erreurs commises, pour permettre qu’elles soient révélées et ainsi faciliter les retours d’expérience.
Cinquième axe : l’importance de se former aux mécanismes de groupe. La tendance à se focaliser sur les arguments les plus extrêmes, celle qui consiste à se conformer au point de vue majoritaire, le souci de préserver l’harmonie du groupe, l’habitude de ne retenir que les informations venant confirmer son opinion sont des biais venant perturber l’action d’une équipe. Il faut les connaître, afin de les identifier dans le processus de décision. Le respect excessif de l’autorité étant le plus vieux dysfonctionnement du monde, le mythe du risque zéro ayant tendance à s’imposer, la conviction de devoir aller jusqu’au bout envahissant toute action engagée, Christian Morel affirme la nécessité de construire une contre-culture qui permette de modifier nos modes de fonctionnement.
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