N° 1149 | Le 16 octobre 2014 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Les sources de la violence sont souvent reliées au rejet de l’autre et de son étrange dissemblance. Et si, tout au contraire, c’était la ressemblance qui était à l’origine des discordes les plus obstinées ? C’est l’hypothèse que défend Russell Jacoby, en s’appuyant tant sur la philosophie que sur l’histoire. « L’ordre, la paix et la fécondité reposent sur les différences culturelles. Ce ne sont pas les différences mais leur perte qui entraîne la rivalité démente, la lutte à outrance entre les hommes d’une même famille ou d’une même société », affirmait André Girard. Ce ne serait donc pas tant l’inconnu qui nous menacerait que le connu. On aurait plus à craindre d’un conjoint, d’un parent ou d’un collègue de travail que d’un étranger. Le mimétisme provoquerait la peur et l’inquiétude de l’individu, la similitude constituant une menace pour l’identité qui rend tout individu unique. Nous sommes plongés dans époque de fratricides ethniques, nationaux et religieux.
Les guerres civiles et génocides qui se sont succédé depuis un siècle en sont l’illustration. Rien de plus proches que le sud et le nord pendant la guerre de Sécession, que juifs et autres Allemands durant le second conflit mondial, que protestants et catholiques en Irlande du Nord, que turcs et arméniens, que chiites et sunnites, que Tutsis et Hutus, que Palestiniens et Israéliens confrontés aux guerres civiles ou aux génocides, comme auteurs ou victimes. Toutes les études ethnographiques démontrent non ce qui les oppose, mais tout ce qui les rapproche. Aujourd’hui, à mesure où ils se font absorber par des ensembles toujours plus vastes, les peuples s’inquiètent de plus en plus et sont enclins à défendre leur spécificité déclinante, constate Russell Jacoby qui, en apportant sa pierre à la réflexion, propose un éclairage sans prétendre pour autant imposer une théorie universelle.
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