N° 1353 | Le 16 janvier 2024 | Critiques de livres (accès libre)
Les écrans et les mômes
Il y a aujourd’hui, pas mal de bouquins sur les effets mauvais ou bons des écrans sur nous et nos enfants. J’ai choisi celui-ci, parce qu’il est complet d’une part et relativement objectif, c’est-à-dire que l’autrice ne diabolise pas à priori les écrans destinés à la jeunesse.
Quelques constats : en France, un internaute sur deux est mineur, le premier Smartphone est acquis à 9 ans en moyenne, les mineurs passent en moyenne 3 heures par jour sur un écran de communication audiovisuelle et pendant le COVID où quelques habitudes se sont prises, les enfants de 6 à 12 ans ont eu en moyenne sept heures d’exposition quotidienne à toutes formes d’écran. Que penser alors de cette décision de la commission européenne de fixer la majorité numérique à 15 ans, une sorte d’âge légal auquel on estime qu’un mineur peut accéder seul aux réseaux sociaux. Une bonne blague ! On mesure là la différence entre la réalité et les rêves pieux des politiques déconnectés.
Effets délétères
Les Américains sont logiquement en avance sur nous, concernant les études sur ce sujet. Le plus évident des effets (études menées dans 36 pays) est l’augmentation des temps de solitude à la maison mais aussi à l’école. L’école pourrait à l’avenir ressembler à ces rames de métro dans lesquelles chacun est penché sur son Smartphone. Le second effet est la plus grande difficulté exprimée par les jeunes à se faire des amis, comme si le fait d’avoir des milliers de followers sur TikTok, finalement ne satisfaisait pas le besoin relationnel. Les sociologues ont fait un lien direct entre le taux de suicides des adolescents et leur usage intensif des écrans, dans la mesure où cette courbe suit celle de la dépression directement engendrée par l’usage des réseaux d’informations en continu. À ce titre et paradoxalement, les enfants ne sont pas moins stressés que nous par l’émergence lente d’un Metavers où nous serions tous enfermés dans une sorte de monde virtuel et où bien sûr chacun aurait deux vies, une sur terre et l’autre dans un espace électronique incontrôlable, ce dernier pouvant rendre le premier totalement inintéressant et banal. Enfin, les études longues montrent un lien entre l’usage des smartphones et la montée de la violence chez les plus jeunes.
Notre petit cerveau d’Homo Sapiens, vieux de 3 millions d’années, a été assez bien câblé pour gérer successivement des alertes puis de bonnes et mauvaises nouvelles.
Vous avez une notification
À chaque fois, il gère la dopamine pour le fun et le cortisol pour le stress. Il fait beau : Dopamine. On croise le voisin grincheux : Cortisol. Oui mais voilà, à chaque fois que le smartphone lance une notification : Dopamine et pas grand-chose au bout : Cortisol. En moyenne 350 fois pour un ado utilisateur des réseaux et notre Cortex n’a pas été programmé pour ça. Le cerveau des enfants s’adaptera-t-il à cette nouvelle gymnastique ? Pour l’instant, rien de moins sûr si l’on en juge par les études menées sur le surmenage psychologique adolescent. C’est en partie pour cela que le cerveau des bébés jusqu’à trois ans doit être absolument protégé de ce flux informatif même non déchiffré. La dernière partie de l’ouvrage propose quelques solutions d’avenir avec la prudence qu’impose le pragmatisme face à une nouvelle technologie.
Étienne Liebig
L’auteure
Carole Bienaimé Besse est experte dans les industries audiovisuelles, cinématographiques et numériques. Elle est administratrice de Fondation Descartes dédiée aux enjeux de l’information à l’ère Numérique.
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