N° 605 | Le 17 janvier 2002 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
En occident, les soins apportés aux enfants, aux femmes enceintes et aux vieillards ont toujours été une affaire de femme. Le christianisme est venu renforcer cette tendance, d’une part en valorisant l’esprit au détriment du corps considéré comme sale, méprisable et dégradant, d’autre part, en identifiant les pratiques d’aide et de soutien à des compétences considérées comme féminines : dévouement, patience, générosité, compassion ou encore oubli de soi. Mais, tout cela ne constitue qu’un fait de civilisation et une construction sociale qui peuvent et doivent être remises en cause. Les métiers de la petite enfance sont largement construits sur ces représentations : c’est une des raisons de leur difficulté à émerger en tant que profession à part entière.
Ainsi, Michèle Barzach, ancienne ministre de la Santé et des Affaires sociales n’hésitait pas à affirmer en 1987 : « On n’a nul besoin de sortir de Saint-Cyr pour torcher des gosses ». Les premières à exercer une fonction rémunérée auprès des tout petits, ce sont ces nourrices mercenaires, qui, à peine remises de leurs couches, laissaient mari et enfants, pour aller vendre la qualité de leur lait aux bébés des familles riches. Puis, c’est aux jardinières d’enfants (qui deviendront en 1973 « éducatrices de jeunes enfants ») d’accueillir dans des salles d’asile les 2-7 ans pendant que leur mère travaille. Un arrêté du 2 août 1881 transformera ces salles en école maternelle. Et les institutrices viendront progressivement remplacer les jardinières.
En 1947, est créé le diplôme d’État d’infirmière de puériculture qui reste une auxiliaire paramédicale appelée à seconder le pédiatre : c’est une simple exécutante, sans autonomie technique. L’auxiliaire de puériculture, quant à elle, est engagée dans une fonction encore plus subordonnée. L’ensemble des métiers de la petite enfance reste dépendant d’autres professionnels hiérarchiquement supérieurs : le médecin, le psychologue, le pédagogue. La formation dispensée n’est pas faite non plus pour aller à l’encontre de cette tendance : elle se résume à une accumulation de connaissances, sans que ne soit stimulée cette intelligence émotionnelle qui reste pourtant essentielle dans la relation à l’enfant et à sa famille.
À trop surinvestir le médical et le quantitatif, on a négligé le relationnel et le qualitatif. Il est essentiel que ces métiers soient enfin valorisés et reconnus à la hauteur de l’enjeu qui leur est confié. En 25 ans on est passé de 850 000 à 770 000 naissances, mais dans le même temps, l’INSEE prévoyait l’arrivée, dans la population active, de 2 327 000 personnes dont 2 millions de femmes. Les besoins en accueil ne vont donc pas cesser de croître. Or la qualité de l’accueil conditionne la société de demain. Les auteurs s’interrogent sur les conditions qui permettraient que cette fonction acquière les attributs d’une vraie profession et analyse très finement l’arrivée des hommes dans un métier traditionnellement féminin.
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