N° 1023 | Le 23 juin 2011 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
C’est un coup de colère que pousse Anne Tursz en constatant la panne de la protection de l’enfance maltraitée. Entre 1996 et 2007, le nombre d’enfants victimes de mauvais traitements a été multiplié par trois, passant de 6 038 à 14 485 cas. Quant aux appels au numéro vert du Snatem, ils ont dans le même temps plus que quintuplé. Depuis 2007, l’évaluation chiffrée n’est plus disponible. Alors que la délinquance des mineurs saute aux yeux de la société, les violences qu’ils subissent restent peu visibles. Il y a une insupportable hypocrisie à dénoncer les auteurs de ces brutalités, tout en refusant de dégager les moyens financiers nécessaires pour mettre en œuvre les stratégies de prévention permettant de repérer les parents vulnérables, susceptibles de devenir maltraitants. Les discours populistes qui préconisent la non-ingérence dans la sphère privée, qui valorisent les parents au détriment de l’enfant ou qui reprennent le dogme de la famille « naturellement bonne » ont des effets tout à fait délétères.
En provoquant la sous-investigation de l’infanticide néonatal : si la mort subite du nourrisson est passée d’une proportion de 182,5 pour 100 000 habitants en 1990 à 32,5, en 2005, il subsiste encore des décès de bébés dont les causes ne sont pas élucidées, l’estimation de cette maltraitance mortelle pouvant être multipliée jusqu’à sept. En limitant les signalements que devraient effectuer les médecins généralistes qui, trop souvent, se réfugient derrière les menaces de plainte devant leur ordre pour « dénonciation abusive », pour ne rien faire. En laissant la file active des enfants et adolescents fréquentant la pédopsychiatrie s’accroître de 70 % en dix ans, sans augmenter ses capacités de réponse. En négligeant les équipes de scientifiques qui restent pauvres en chercheurs spécialistes en épidémiologie dans la prospection en santé publique en général et sur les effets de la maltraitance des mineurs en particulier. En ne renforçant pas la protection maternelle et infantile, pour lui permettre d’exercer les nouvelles missions qui lui ont été attribuées par la loi de 2007.
Selon les départements, les crédits accordés aux enfants de moins de six ans varient de 3 à 331 euros, les personnels mis à disposition allant de 9 à 38 pour 100 000 habitants. En maintenant le sous-équipement de la santé scolaire qui propose, en moyenne, un médecin pour 7 500 à 12 000 élèves. Le travail de prévention est pourtant considérable pour accompagner des parents qui rejettent leur enfant non désiré ou non désirable, aux besoins desquels ils ne savent pas répondre, ou qui se sont mépris sur leur projet parental, sur le sens et les devoirs de la parentalité et sur la vision du petit d’homme comme une personne dont il faut tenir compte.
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