N° 1168 | Le 3 septembre 2015 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Ouvrage posthume qui raisonne comme un ultime pied de nez aux terroristes de tous poils, Charb affiche ici ses profondes convictions antiracistes et son combat pour la liberté d’expression. Première visée, l’idéologie qui assimile Islam, immigration et intégrisme. Reprenant les chiffres de l’INED/INSEE publiés en 2010, il rappelle que la France ne compte que 2,1 millions de musulmans pratiquants, bien loin de la marée de 6, 8, 10, voire 13 millions que certains agitent. Sur tous ces croyants, il n’y a qu’une petite poignée d’aboyeurs. L’immense majorité vit sa foi, en toute sérénité, « sans faire chier les autres ». Et l’auteur de dénoncer cette essentialisation qui fait passer la religion avant la condition d’Homme, déguisant la peur de l’autre en islamophobie. Prétendre que ce qui est rejeté chez un musulman, c’est sa religion, est aussi absurde que de vouloir rendre hommage à son engagement pendant la guerre, en tant que croyant.
Pourquoi, pendant qu’on y est, ne pas élever un mémorial aussi aux soldats athées, pacifistes, homosexuels, végétariens, albinos ou encore turfistes ? Autre dérive attaquée, celle qui fait passer le blasphème pour de l’islamophobie et l’islamophobie pour du racisme. C’est faire preuve du plus total irrespect que de croire les musulmans incapables d’humour. À vouloir que toute satire, aussi féroce soit-elle, d’une religion constitue une insulte à tous ceux qui y croient, c’est comme si une caricature de la sainte Marie offensait tout le peuple français, au prétexte que Louis XIII avait consacré la France à la Vierge. Charb revendique le droit au blasphème, invitant les croyants à stigmatiser, à leur tour, les athées : « Faites des journaux, des blogs, des spectacles, des marionnettes pour vous moquer de cette absurdité que représente pour vous la vie sans Dieu » (p. 87). Une poignée de fanatiques a préféré la Kalachnikov.
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