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■ ACTU - Loi anti squat, la fabrique de sans-domiciles

Les alertes des associations de mal-logés n’y ont rien fait, la loi sur la « protection des logements de l’occupation illicite » a été adoptée. A peine deux ans après un premier durcissement de la répression contre l’occupation illégale de logement avec un élargissement de la notion de domicile aux locaux commerciaux, industriels ou agricoles, la sévérité s’accentue encore contre ce recours à l’habitat par nécessité. Désormais, un squatteur encourt jusqu’à 45 000 euros d’amendes et 3 ans de prisons.



Le collectif Alerte Paca a effectué en début d’année un recensement des squats marseillais. Sur 2834 habitants recensés sur 37 sites, 80% verse un "loyer" mensuel (150 à 400 euros) à des marchands de sommeil, à des soi-disant propriétaires, à des personnes identifiées comme membres d’un réseau de trafic... ©AnatineSplava

Encore plus inquiétant que ces peines visant à dissuader, cette loi opère une confusion entre occupant sans droit ni titre et locataire en impayé de loyer ou qui se maintient dans son appartement après la fin de son bail. Pour faciliter cet amalgame et les expulsions, un propriétaire pourra rompre un bail sans recourir à une procédure judiciaire en cas de défaut de paiement.

S’attaquer aux impayés

Dans l’objectif de protéger les petits propriétaires, cette possibilité de résilier de bail unilatéralement en cas d’impayés représente un cadeau de Noël pour les marchands de sommeil qui louent au noir et pourront ainsi aisément se débarrasser de leurs locataires de bonne foi. En fait, en réponse à des campagnes médiatiques montant en exergue des faits rarissimes, l’occupation de résidences principales par la force, la ruse ou l’effraction, le gouvernement a ouvert une boite de Pandore dans laquelle s’est engouffrée l’aile droite du parlement.

Pour la Défenseure des droits, Claire Hédon, « la réforme proposée ne parvient pas à garantir un équilibre entre les droits fondamentaux des occupants illicites et ceux des propriétaires ». Membre du syndicat des avocats de France, Antonin Sopena détaille l’aberration d’un tel texte : « En France, on a 3 millions de logements vides depuis plus de deux ans alors que 77 000 ménages sont reconnus prioritaires du droit au logement opposable et sont en attente faute de logements social. D’autre part, le nombre de personnes sans domicile est estimé à 300 000. Il faut construire des logements sociaux, des centres d’hébergement, des foyers. Ce n’est pas en mettant en prison les gens qui n’ont pas payé leur loyer, comme le prévoit cette loi, que l’on va faire disparaître la misère. »

Myriam Léon


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