N° 837 | Le 19 avril 2007 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
L’avantage de présenter l’alcoolisme comme une maladie, c’est de déculpabiliser celles et ceux qui en souffrent. L’inconvénient majeur, c’est de déresponsabiliser les professionnels du social qui peuvent se sentir peu concernés par une pathologie qui nécessiterait un traitement exclusivement médical. En tant que travailleur social intervenant en alcoologie, Yves Coulombier revendique haut et fort la place de sa profession dans cette problématique. Il nous livre ici un ouvrage des plus décapants. « Celui qui a un problème d’alcool, c’est le travailleur social sans aucun doute. Il n’y a qu’à voir les stratégies d’évitement que nous sommes capables d’utiliser » (p. 41), affirme-t-il !
Trop souvent, ne pouvant empêcher un alcoolique de boire, nous nous centrons sur le malaise qu’il crée en nous. Nous refusons de voir, lui trouvons d’excellentes raisons ou encore renonçons à vouloir le faire changer. Fort de son expérience, tout en mettant en garde contre la tentation des recettes miracles et en rappelant qu’en alcoologie il est plus pertinent de poser les bonnes questions que les bonnes solutions, l’auteur nous propose une procédure d’accompagnement en cinq étapes.
Première démarche : établir un diagnostic en reconnaissant la situation d’alcoolisme qu’il ne faut pas confondre avec l’alcoolisation. Ce qui est d’autant plus complexe que ce qui distingue le bien boire du trop boire dépend de normes quantitatives, qualitatives et culturelles propres à chacun. Vient ensuite le « dire ». Il peut sembler plus facile, pour en parler, de s’en remettre à un spécialiste. En fait, derrière cet argument, ce qui bloque le plus souvent, c’est la conviction qu’il s’agirait là d’une affaire personnelle que nous aurions le devoir de ne pas évoquer pour préserver la liberté de chacun. Il y a au contraire de multiples bonnes raisons pour le dire (protéger l’entourage, aider la personne alcoolique, expliquer la situation inextricable dans laquelle elle s’est placée…).
Puis, vient l’étape des déclencheurs du changement. Le seul ressenti qui puisse être moteur est celui de la personne concernée et pas celui de l’intervenant. Un alcoolique n’a envie de modifier sa consommation que lorsque son alcoolisation présente à ses yeux plus d’inconvénients que d’avantages. Quatrième étape, celle de l’orientation vers le service idoine (ambulatoire, hospitalièr ou de postcure). Enfin intervient l’abstinence, marquée en son début par une intense phase d’hyperactivité qui permet à la personne de remplir le vide laissé par le renoncement au produit. Des rechutes sont non seulement possibles mais font partie du processus thérapeutique. Il faut s’y préparer et ne pas les vivre comme un échec professionnel. Au final, ce qui apparaît le plus favorable au changement, c’est ce qui permet à la personne de se prendre en charge, l’essentiel étant de transformer l’obligation en adhésion.
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