N° 1069 | Le 5 juillet 2012 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Comme un arbre qui a été greffé, la psychanalyse a donné naissance à de nombreuses boutures. L’une d’entre elles, la psychologie de la motivation, a été conçue par Paul Diel. Si ce psychothérapeute est décédé en 1972, sa pensée lui a survécu. Il a élaboré un système conceptuel complexe et complet, difficile à résumer en quelques lignes. Mieux vaut se référer à l’ouvrage que lui consacre Maridjo Graner, écrit dans un style limpide et didactique.
Paul Diel propose de placer au cœur du fonctionnement humain non la sexualité, comme le concevait Freud, mais le profond besoin d’amour (aimer et être aimé), d’estime et d’auto estime. Si la plupart des conflits ont pour source des carences affectives, ce qui nous motive, c’est la quête pour satisfaire cette soif de reconnaissance. Mais autant certains éléments de cette quête sont porteurs d’équilibre dans l’organisation de notre existence, autant d’autres perturbent tant notre vie psychique que sociale. La thérapie de la motivation va, dès lors, consister à entreprendre une démarche d’introspection pour distinguer ceux de nos motifs qui favorisent l’harmonie intra-psychique (moi dans mon rapport à moi), relationnelle (moi dans mon rapport aux autres) et écologique (moi dans mon rapport au monde), de ceux qui n’y contribuent pas.
Au-delà de la démarche spéculative de cette construction qui pourra au choix séduire, irriter ou laisser indifférent le lecteur, certaines implications du système de Paul Diel sont tout à fait parlantes dans le domaine éducatif. La confiance en soi prend sa source dans l’amour que l’on reçoit dès sa naissance, explique-t-il. Le regard que l’enfant porte sur le monde et la vie s’enracine dans celui qui a été porté sur lui, par ses parents. Il y puise sa sécurité et le sentiment de son importance. Une éducation manquant d’indulgence présente le risque de le priver de la ration de tendresse qui lui est nécessaire pour développer une personnalité épanouie. Affamé d’amour, l’enfant mal aimé peut adopter des comportements agressifs et inhibés, les étiquettes négatives qu’on lui a collées le poussant à s’y conformer, rendant encore plus difficile les manifestations d’affection à son égard. L’estime de soi n’est pas qu’un rapport à soi-même : elle dépend, en grande partie, de l’image que les autres nous renvoient.
Et c’est bien chez les adultes que l’enfant côtoie au quotidien (parents, enseignants, mais aussi éducateurs), qu’il va rechercher le sourire et le mot d’approbation et redouter le reproche ou le rejet. Cet amour reçu est d’autant plus important qu’il lui permet de sortir de l’égocentrisme de ses besoins immédiats, d’acquérir la tolérance aux besoins des autres et de s’éloigner de la tentation de les dominer et de les écraser.
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