N° 1163 | Le 14 mai 2015 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
La prise de risque, voilà une posture que notre société tient en aversion, tant elle est contradictoire avec ses valeurs cardinales : la rationalité, la volonté et la maîtrise. Il faudrait tout prévoir, pour éviter le moindre dommage. Le numéro 45 du Sociographe rétablit avec pertinence la mesure. En rappelant, tout d’abord, la relativité culturelle, chaque époque se focalisant sur un péril plus que sur un autre. Mais, aussi, en dénonçant l’illusion de la prétention à croire qu’il serait possible de tout prévenir. Les politiques de prévention, de gestion et de réduction des risques se préoccupent peu de se situer dans un contexte, de comprendre la subtilité des interactions qui se tissent ou d’établir les raisons pouvant conduire à des comportements en apparence irrationnels. Il faut les éliminer, un point, c’est tout. « Ne pas prendre de risques, n’en est pas moins un risque, celui de la sclérose, de la fragilisation devant l’avancée du temps, l’engluement de la routine » (David Le Breton).
Mais Le Sociographe va encore plus loin : seule l’acceptation de la marge d’incertitude, de la perte de contrôle et de la zone de turbulence peut permettre d’entrer en relation avec autrui. En ce sens, le risque est inhérent à tout acte éducatif. Non pour faire n’importe quoi, mais pour éviter la paralysie, en articulant la mesure du danger potentiel et la décision de s’y confronter ou pas, en évaluant le degré de risque acceptable et en assumant ses éventuelles conséquences. Ne pas chercher à savoir ce que l’action sociale va produire constitue un impératif premier, si l’on ne veut pas réduire le sujet à ce qui est observable et mesurable dans l’immédiat. Sans l’ouverture à l’imaginaire et à la créativité, la redondance et l’ennui menacent l’acteur, alors enfermé dans une perspective sécuritaire et utilitariste.
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