N° 1308 | Le 4 janvier 2022 | Critiques de livres (accès libre)
Se centrer sur le parcours
Il est deux mythes en placement familial qui portent préjudice à l’enfant. C’est d’abord celui du départ sans retour envisageable, la famille d’origine étant considérée par essence comme toxique. Ce fut une constante, à l’époque de l’assistance publique, qui ne retenait qu’une seule identité : celle du numéro d’immatriculation porté au cou, comme un collier. Puis est survenu cet autre mythe d’une réintégration inévitable au milieu d’origine, déconstruit par la réalité de terrain : même après sa majorité, l’enfant continue souvent à bénéficier du filet de sécurité de sa famille d’accueil, face aux failles récurrentes du milieu dont il est issu. Placé comme un migrant dans l’espoir du « grand retour », ce dernier peut advenir un jour… ou jamais. Si le premier mythe dépossède de la mémoire familiale d’origine, le second prive de toutes traces du cheminement du placement, considérées inutile puisqu’il est censé être provisoire. Cette carence pèse d’autant plus que les placements se succèdent. Ce qui est fréquent, alors qu’un tiers des mineurs concernés a connu un seul lieu d’accueil. La notion de parcours développée par les auteurs répond à cette problématique : ce qui fait trauma ce n’est pas tant la rupture que l’absence d’inscription et de liant entre l’avant et l’après. Pouvoir identifier comment tout a commencé, comment cela s’est déroulé, étape après étape, et comment cela s’est terminé permet de reconstituer sa ligne de temps. Depuis la loi de 2002, chaque enfant placé doit disposer d’un album de vie racontant son histoire. Chaque ASE étant chargée d’appliquer cette obligation, c’est rarement le cas ou quand c’est fait, ça l’est de manière très disparate. Si s’inscrire dans la continuité et la sécurisation est devenu incontournable, le parcours de l’enfant ne doit plus être une option.
Jacques Trémintin
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