N° 1156 | Le 5 février 2015 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
S’inspirant de l’article intitulé Pour les juifs, publié par Emile Zola dans le Figaro, en 1896, l’auteur nous propose un plaidoyer sans concession. Le célèbre romancier affirmait, dans une ambiance marquée par un antisémitisme forcené : « Les juifs, tels qu’ils existent aujourd’hui, sont notre œuvre, l’œuvre de nos mille huit cent ans d’imbéciles persécutions. » Edwy Plenel n’hésite pas à établir un parallèle historique, le musulman contemporain ayant succédé à l’israélite d’autrefois comme bouc émissaire. Ses cibles sont Renaud Camus, (auteur de la théorie du « grand remplacement », les Arabes menaceraient de se substituer au peuple français), Alain Finkielkraut (qui proclame en permanence : « Il y a un problème de l’Islam en France »), Claude Guéant (qui, alors ministre de l’Intérieur, avait considéré que « toutes les civilisations ne se valent pas »), Manuel Valls (prétendant relever le défi de la compatibilité de l’Islam avec la démocratie).
Tous ces propos ont un point commun : la langue du préjugé qui fabrique de la stigmatisation et désigne l’étranger comme adversaire. Réduire les musulmans à l’islam et ce dernier à l’intégrisme, en leur imputant en bloc la responsabilité des dérives individuelles ou des conflit lointains, c’est essentialiser les humanités, en raison de leur origine, de leur culture, de leur croyance, de leur appartenance et de leur naissance. Alors que la démocratie, c’est au contraire le refus de vies déterminées à l’avance, de places assignées inexorablement, d’identités fermées définitivement et de futurs immobiles à jamais. Les crimes antisémites, les agressions négrophobes, les violences anti-Roms ne sont pas dissociables des discours discriminatoires contre nos compatriotes musulmans, défend avec force l’auteur. Laisser s’installer ces discours, ne serait-ce que par notre silence, c’est habituer notre conscience à l’exclusion et à l’amalgame.
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