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■ ACTU -Protection de l’enfance • Des mineurs marocains en danger

« La déclaration d’entente sur la protection des mineurs marocains signée par le gouvernement Français avec le Maroc le 7 décembre 2020, nous inspire de la crainte », alerte Jean-François Martini, chargé d’études au Gisti. Dans un communiqué du 19 mars, vingt-six associations demandent au gouvernement de renoncer à sa mise en œuvre. Cette déclaration a pour objectif le renvoi des mineurs marocains en situation d’errance sur le territoire Français vers le Maroc. Elle s’appuie sur un schéma de procédure élaboré par les services du ministère de l’intérieur qui fixe le cadre juridique de la collaboration entre les deux pays.
Certes, la recherche de la famille d’un mineur isolé étranger et l’élaboration d’une proposition de retour entrent bien dans le cadre des obligations internationales de la France. « Mais tout dispositif qui se dispense de recueillir le consentement du jeune et de sa famille est à écarter. C’est pourtant le cas dans ce schéma de procédure  » insiste Jean-François Martini.
Les associations soulignent aussi que pour pouvoir évaluer la situation de l’enfant et envisager un retour, le juge des enfants doit avoir accès à des informations fiables sur la situation familiale et les conditions d’accueil au Maroc. Il ne peut être question de se contenter d’un simple questionnaire adressé à la partie marocaine, comme le prévoit le schéma de procédure.
Les conditions dans lesquelles le consentement de l’enfant doit être recueilli ne sont entourées d’aucune garantie. Il est prévu qu’un « travail éducatif devra être réalisé en amont par les services sociaux français afin de faire adhérer le mineur à la mesure  ».
Quel peut être le sens d’un tel travail dès lors, qu’au final, la mesure pourra être exécutée de force ? Dans ces conditions, l’enfant doit bénéficier de la présence d’un avocat dès le début de la procédure et en cas de contestation, de l’assurance d’un recours suspensif.

Recours à la force publique

Le texte prévoit explicitement « de requérir le concours de la force publique » pour renvoyer des mineurs sans leur consentement, ni celui de leur famille. Cela fait bondir les associations. « C’est inenvisageable. Nous changerions d’univers, passant de l’assistance éducative à l’éloignement forcé  », alerte Jean-François Martini.
En prévoyant la possibilité pour le Parquet français de dénoncer « aux fins de poursuite » les infractions commises en France par ces enfants, ce texte les expose à des poursuites pénales à leur arrivée au Maroc. De plus, la législation marocaine sanctionne le délit d’émigration : des mineurs qui ont quitté le pays sans visa seront susceptibles de sanction à leur retour.
« Au Maroc, le dispositif de protection de l’enfance est au mieux défaillant pour les moins de seize ans et au pire inexistant à partir de cet âge. Il compte très peu de structures d’accueil et celles qui existent peuvent encore recourir aux châtiments corporels, comme le dénonce l’Unicef, poursuit le chargé d’études au Gisti. Concernant les jeunes renvoyés dans leur famille, le dispositif marocain n’a aucune possibilité de savoir comment les choses se passent pour eux. »

L’éloignement forcé d’un mineur de nationalité étrangère est prohibé par le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. C’est au prix d’un véritable détournement de sa législation en matière de protection de l’enfance que la France tente de se soustraire à cette interdiction. Une telle perspective ne peut que dissuader les jeunes marocains en danger sur le territoire français de solliciter une aide ou d’adhérer à la mesure de protection qui leur est proposée. Ce texte ne prévoit aucune disposition particulière pour repérer et protéger les mineurs éligibles à une protection au titre de l’asile ou victimes de traite des êtres humains.
Une déclaration d’entente qui, pour les associations, « permet à la France de se débarrasser à bon compte d’enfants en situation de danger sur son territoire.  »

Katia Rouff