N° 893-894 | Le 17 juillet 2008 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
L’un de ses ouvrages majeurs, paru il y a trois ans, représente un travail de réflexion essentiel consacré aux mécanismes du génocide.
Aux côtés des forces politiques, syndicales et associatives démocratiques, les travailleurs sociaux constituent l’une des balises d’alerte et de vigilance susceptibles de prévenir et de combattre les dérives qui peuvent mener aux pires des comportements humains. Certes, la démarche n’est guère facile, parce qu’essayer d’entrer dans la logique des bourreaux, c’est prendre le risque de leur trouver des circonstances atténuantes. Mais refuser de les comprendre, c’est admettre leur triomphe posthume, en présumant que l’intelligence à faire le mal serait plus forte que celle à en percer les mystères.
En s’appuyant sur trois épisodes récents (la Shoah, la guerre en Yougoslavie et le Rwanda), Jacques Sémelin démontre qu’aucune société n’est à l’abri de mécanismes génocidaires qui se trouvent à l’état embryonnaire dans les cours de nos écoles et de nos quartiers. Ni la culture, ni l’éducation ne sont des remparts, l’une et l’autre pouvant au contraire être employées à rationaliser intellectuellement et spirituellement la violence : tuer son semblable n’est plus alors considéré comme un crime, mais comme un devoir, une mission ou un réflexe d’autodéfense. Inutile d’invoquer la misère, la culture, la fatalité historique, pas plus que les antipathies ethniques ou une quelconque pathologie psychiatrique comme facteurs déclencheurs.
Ce que l’on peut évoquer, c’est le repli sur son identité nationale, c’est la bestialisation de l’autre nié dans son appartenance à l’espèce humaine, c’est la montée de la peur basée sur un besoin imaginaire ou réel de sécurité, authentique ou manipulé, c’est la stimulation de l’émotion publique comme support à la méfiance, au ressentiment et au désir de vengeance.
Autant de traits qui nous renvoient au quotidien de nos sociétés démocratiques. Quant au profil des tueurs et leurs motivations, ils relèvent plus d’une mosaïque de traits que de la simple personnalité perverse ou brutale. Ils ne sont pas monstrueux en tant que tels, mais en tant qu’ils sont engagés dans une dynamique monstrueuse de meurtre de masse.
Tout ce travail a trouvé une continuité dans la mise en ligne depuis le 3 avril 2008, d’une Encyclopédie en ligne des violences de masse destinée à un travail de mémoire et à la transmission de la connaissance de l’homme et de ses passions destructrices.
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