N° 842 | Le 31 mai 2007 | Philippe Gaberan | Critiques de livres (accès libre)

Schizophrénies au quotidien. Approche systémique en psychiatrie publique

Jean-Claude Benoît


éd. érès, 2006 (183 p. ; 23 €) | Commander ce livre

Thème : Psychiatrie

Jean-Claude Benoît est sans aucun doute une figure emblématique du monde de la psychiatrie moderne même si, comme à son tour devenue folle dans une civilisation en crise, la psychiatrie moderne ne se reconnaît plus ni penseurs ni chefs de file. Toutefois, et comme le rappelle Serge Kannas dans la préface, Jean-Claude Benoît est l’un des tous premiers médecins psychiatres à introduire en France les théories de Grégory Bateson et de l’école de Palo Alto, de façon à extirper la psychiatrie d’une approche devenue presque exclusivement médicale pour l’ouvrir à une dimension « écosystémique » (p.26). Selon l’approche systémique, l’individu et sa maladie sont à repositionner dans une généalogie et donc dans une histoire de vie. Disons le plus clairement, le « fou » n’existe pas en dehors de sa famille ; il a beau en être exclu de façon transitoire ou définitive, il en demeure à jamais l’un des membres à part entière.

Dès lors, et à la lumière des principes qui éclairent les thérapies systémiques, l’auteur revisite les deux figures emblématiques pour ne pas dire fondatrices de la famille, celles du père et de la mère. De la mère d’abord ! Dont l’image est désormais écartelée entre « la figure traditionnelle d’une mère aimante » et celle d’un être pervers entretenant « une dépendance inhibante entre elle et son enfant » par le biais « d’une crispation émotionnelle » (p.103). Du père, ensuite, qu’une imagerie tout aussi archaïque enferme dans une posture forcément énergique excluant tout élan de tendresse et donc de reconnaissance à l’égard de l’enfant dysfonctionnant.

L’effet des thérapies familiales consiste alors à déplacer des images de manière à replacer des acteurs dans leur rôle d’aidant. Le but de l’approche systémique est la recherche de l’alliance du patient, de sa famille et de l’équipe soignante. Car, souligne Jean-Claude Benoît, « l’autoritarisme, le confinement ou la contrainte médicamenteuse aveugle » ne sauraient répondre à des faits relationnels aussi complexes que ceux induits par une pathologie mentale telle que la schizophrénie ; et l’auteur insiste pour dire que seule une approche « familio-systémique » peut sortir le patient et sa famille d’une situation de crises prolongées et répétitives (p. 134)

La leçon de l’ouvrage est claire : à l’illusoire simplicité d’une intervention rageuse d’un thérapeute, l’approche systémique privilégie la complexité et la progressivité de petites touches exercées sur le réseau environnemental du patient. La reliance (p.63) pourrait être à la fois ce concept et ce chaînon manquant entre Grégory Bateson et Edgar Morin, entre la psychiatrie traditionnelle et son ouverture humaniste.


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