N° 1247 | Le 19 mars 2019 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
L’ouvrage synthétique de Philippe Combessie, qui est publié ici dans sa quatrième réédition actualisée, permet d’aborder les questions essentielles sur la prison, à partir d’études sociologiques et anthropologiques éprouvées parmi les plus anciennes, comme parmi les plus récentes.
Un détour historique rappelle combien l’enfermement constitue une pratique récente, les châtiments passés se centrant alors sur des supplices pouvant mener à la mort. L’internement ne fut longtemps qu’une transition avant l’exécution ou encore un lieu de relégation des pauvres, des opposants politiques, des malades contagieux ou des déviants divers. La politique pénale fondée sur l’incarcération est fille des Lumières et de la pensée humaniste.
Quatre théories en constituent le fondement. La conception rétributive, tout d’abord : à tout crime et délit d’une certaine importance doit correspondre une peine d’enfermement proportionnelle à leur gravité. Puis, vient l’approche dissuasive qui cherche à décourager la tentation de transgression. La neutralisation, quant à elle, renvoie à la protection des citoyens contre la dangerosité des actes posés. Enfin intervient la réadaptation, qui cultive l’ambition de réinsérer socialement le condamné.
Le tricotage de ces légitimités confronte à un constat d’échec, au regard de la réalité carcérale. Car la prison reçoit principalement les plus démunis en niveau de formation, en capital culturel, en travail, en logement, en argent ou en liens de famille. Elle ne touche guère les classes sociales les plus aisées. D’où la revendication de l’abolition de toute captivité. Mais si l’on trouve des détenus que rien ne prédisposait à l’incarcération et d’autres ayant surtout un style de vie marginal aux conséquences potentiellement problématiques, il y a aussi ces délinquants chroniques, chevronnés et multi-récidivistes. Et c’est bien pour cette dernière catégorie qu’aucune solution alternative n’a jamais été trouvée.
Mais avant de penser à vider les prisons, encore faudrait-il freiner leur surpopulation. Entre 1974 et 2017, le flux carcéral annuel est resté stable (respectivement 72 491 et 74 749 détenus entrant). C’est bien le doublement, dans la même période, de la durée moyenne de la détention (4 mois et demi, contre 10 mois et demi) qui a provoqué l’encombrement des maisons d’arrêt suroccupées parfois à 200% (les établissements pour longue peine étant épargnés, par peur des émeutes). C’est aux personnels de surveillance qu’il revient de maintenir le calme et l’ordre, avec la nécessité parfois pour y arriver de relativiser l’application du règlement et d’agir hors la loi.
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