N° 1230 | Le 29 mai 2018 | Critiques de livres (accès libre)
Une approche du petit d’homme
Les caractéristiques physiologiques de l’enfance sont universelles : petite taille, dentition incomplète, incapacité à se reproduire, immaturité du système immunitaire… Pour le reste, c’est la diversité qui l’emporte selon les époques historiques, les lieux et les catégories sociales. C’est pourquoi, mieux vaut parler des enfances plutôt que de l’enfance.
C’est très récemment que cet être particulier a cessé d’être réduit à des bras supplémentaires venant aider économiquement sa famille ou comme héritier, pour devenir source de bonheur et d’épanouissement pour ses parents. Ceux-ci ont renoncé à la mission de correction/façonnage qui leur était confiée, pour devenir guide favorisant l’émergence du petit d’homme, pourvoyant tout autant ses besoins matériels qu’affectifs. Parce qu’elle est marquée à la fois par la fragilité et l’innocence, l’enfance nécessite protection et éducation. Mais la transmission verticale qui va s’instaurer à travers les écoles, qui se multiplient par quatre entre 1817 et 1887, percute toutefois les cultures enfantines qui s’acquièrent horizontalement dans les cours d’école.
Les leçons du maître sont concurrencées par les blagues et les comptines, les rites et les superstitions qui se diffusent entre pairs par oral. Si les manières durables d’agir, de penser et de percevoir s’intériorisent à partir de la famille, de l’école et du groupe d’âge, c’est quand même aussi l’appartenance sociale différenciée qui conditionne et formate les enfants. Les inégalités les frappent comme les adultes de façon multiforme et cumulative : en 2010, 19,6 % des mineurs vivaient en France sous le seuil de pauvreté et 10 000 familles avec un enfant de mois de 13 ans résidaient en Île-de-France dans un hébergement précaire.
Jacques Trémintin
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