N° 1153 | Le 11 décembre 2014 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Il y a, d’abord, cette approche implicite qui préfère souligner, évoquer et suggérer par touches successives, plutôt que de démontrer, justifier ou établir. Il y a, ensuite, ce style sensible qui manie la poésie et le lyrisme, le magnétisme de l’auteur produisant une sorte d’envoûtement chez son lecteur. Et puis, il y a ce déroulement du récit qui alterne des retours en arrière et des bonds en avant, refusant toute chronologie, au profit de flashs de mémoire et de traces laissées par des scènes de vie. Le tout enrobé par une superbe écriture. Tout est fait ici pour déstabiliser le lecteur : on est à la fois dérouté et fasciné, irrité et séduit, ému et transporté. Ce que nous décrit Philippe Pourtalet est ce sentiment profond et intime de la paternité, mais pas de n’importe quelle paternité : celle qui est confrontée au handicap de son enfant.
Expérience singulière et spécifique qu’il est si difficile à décrire et que, pourtant, l’auteur réussit à transmettre avec une intensité proportionnelle au sentiment d’amour qui le lie à sa petite fille âgée de six ans, souffrant d’autisme. Comment réussir à transmettre cette expérience indicible et ineffable ? En faisant un pas de côté et en écrivant un roman qui, pour n’être pas complètement autobiographique, n’en plonge pas moins dans un vécu personnel. Et l’on retrouve là bien des épisodes familiers à tout parent d’enfant avec handicap : l’annonce de la déficience, la confrontation aux soins douloureux, la collaboration avec les professionnels du médico-social, le regard de l’autre sur la différence de son enfant, l’incompréhension et la maladresse de l’entourage. Mais rien, ici, ne confine à la plainte ou à la victimisation. Juste un chant d’amour d’un père pour sa fille, par-delà ce qui la différencie des autres. Un élan passionné et plein de ferveur, qu’aucune souffrance ni aucune épreuve ne semblent avoir vraiment affecté.
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