N° 1177 | Le 21 janvier 2016 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Une communication téléphonique aura scellé le sort de Fahim : celui passé par une auditrice de France Inter à François Fillon, alors premier ministre, invité entre les deux tours de la présidentielle de 2012, de la matinale de la station. Nombreux sont les réfugiés et leurs soutiens qui rêvent d’une solution aussi rapide et spectaculaire. Il est bien plus fréquent que la parcours du combattant imposé par l’administration française se termine par une OQTF : obligation de quitter le territoire français. Par quelle magie la situation de ce jeune garçon et de son père Nura ayant fui leur Bengladesh natal, où leur vie était menacée, a-t-elle pu se régulariser par l’obtention d’un titre de séjour « vie familiale et salarié » ? La réponse est à chercher du côté du championnat de France d’échecs que venait de remporter Fahim, quelques semaines auparavant.
Ainsi notre pays, prompt à rejeter les damnés de la terre, chassés par la misère ou les persécutions, fait bien moins le difficile quand il s’agit de récupérer les talents qui frappent à sa porte : « La France est prête à vendre son âme pour une médaille », commente Jean-Pierre Rosenczveig. Fahim, enfant sans papiers de douze ans et petit génie des échecs, vivait depuis presque quatre ans avec son père, d’hôtels en foyers, parfois à la rue. Le livre qui fait le récit de cette incroyable aventure ravira les amateurs de cette discipline qui y retrouveront l’atmosphère propre aux compétitions. Mais il éclairera tout autant sur le sort vécu par les demandeurs d’asile. Le dévouement des bénévoles et l’accompagnement bienveillant de tant de simples citoyens compensent difficilement le cheminement peu glorieux pour le pays d’accueil de tant de réfugiés. Si la découverte de la culture française par cet enfant est émouvante, elle s’est faite à travers un vécu empreint de souffrances et d’épreuves guère honorables.
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