N° 915 | Le 5 février 2009 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
L’intégration du fait culturel, voire ethnique minoritaire, a été admise par de nombreuses démocraties. La France s’y refuse, la République se proclamant une et indivisible et ne reconnaissant que les individus. Cela fait quarante ans que ces principes ont commencé à être battus en brèche par les demandes de reconnaissance spécifique régionaliste, féministe, homosexuelle… Pourtant, trouver sa place dans la communauté nationale, continue à passer par le gommage préalable des différences.
Milena Doytcheva démontre ici dans un ouvrage brillant comment les politiques publiques se sont progressivement écartées de ce paradigme et comment, de fait, la volonté assimilatrice a fait place à des approches plus respectueuses du pluralisme culturel. On se refuse, dans notre pays, à reprendre les politiques américaines de discrimination positive visant à assurer un traitement préférentiel aux fractions de la population désavantagées du fait de leur origine ethnique. On reste campé sur le principe d’une réussite qui serait basée sur le seul mérite. Pourtant, notre pays a élaboré des mécanismes correcteurs. Ainsi, des minima sociaux à destination des mères isolées, les personnes âgées ou handicapées… Ainsi, des politiques d’insertion qui exonèrent de charges sociales certains salariés éloignés de l’emploi. Ainsi, des stages ou postes réservés aux jeunes, aux femmes, aux chômeurs de longue durée… Mais ces politiques, réplique-t-on, s’adresse à des individus, en ignorant tout de leur appartenance ethnique.
Et c’est vrai que l’action sociale s’est centrée, depuis les années 1980, sur des secteurs géographiques cumulant des difficultés. L’idée, c’est qu’on n’aide pas un usager, parce qu’il est d’une origine ethnique, mais parce qu’il réside dans une rue bénéficiant d’un programme d’aide, et ce même si cette rue a été sélectionnée parce qu’y habite une importante population marquée ethniquement. La règle étant basée sur l’universalité proclamée et l’égalité abstraite de chacun, un détour inégalitaire est admis, à condition qu’il procède du provisoire et du momentané. Les bénéficiaires des aides sociales doivent potentiellement pouvoir en sortir, car ils évoluent dans des statuts ouverts, contingents et temporaires.
Milena Doytcheva illustre sa démonstration en évoquant d’abord les politiques de la ville qui ont décalé l’épicentre de l’intérêt général, longtemps représenté par le pouvoir central, vers des territoires situés au plus près des populations. Avec pour conséquences, des quartiers qui ont pris une place en tant qu’entités spécifiques. La lutte contre les discriminations, ensuite, qui implique de reconnaître les identités ethno raciales. Le soutien aux associations communautaires chargées de jouer un rôle dans le maintien de la cohésion sociale, enfin.
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